20 décembre 2009

Deux romans de Franck Thilliez

Une amie m'a généreusement prêté deux thrillers de Franck Thilliez; c'est un auteur français qu'elle adore et que je ne connaissais pas du tout. J'ai donc lu "Deuils de miel" et "La forêt des ombres" pour découvrir pleinement son oeuvre. Et pour une fois, je vous offre une double critique...


Résumés:

Dans Deuils de miel, on découvre le commissaire Sharko, un héro qui a visiblement déjà été présenté au public de Thilliez via une autre oeuvre. Il a perdu sa femme et sa fille dans des circonstances particulièrement traumatisantes, et le voilà qui doit se forcer pour faire encore face à la vie et dominer ses pulsions de vengeance. Sa reconstruction passe par la reprise du métier qui est toute sa vie maintenant, celui d'enquêteur. On lui confie donc un cas particulièrement surprenant: une femme retrouvée morte, agenouillée, nue et entièrement rasée dans le confessional d'une église. Elle a visiblement été assassinée d'une façon inédite: ses organes ont implosé. Et voilà Sharko parti à la chasse d'un meurtrier amateur d'énigmes aussi cruel qu'astucieux...

La forêt des ombres met en scène David Miller, embaumeur et auteur de polars amateur, qui est un jour contacté par un vieil homme handicapé, Arthur Doffre. Celui-ci lui fait une offre étrange: il lui demande, contre une rémunération mirobolante, de l'incarner dans un polar où il ferait également revivre un tueur en série historique terriblement cruel et dont le mystère n'a jamais été totalement percé. Et comme si ce n'était pas déjà assez bizarre, il exige que David vienne écrire son roman, en un mois, dans un chalet perdu au milieu des bois. Evidemment, dès que David, sa compagne et sa petite fille arrivent sur les lieux avec Doffre et sa compagne, les mauvaises surprises s'accumulent, et petit à petit la psychose s'installe...


Mon avis:

Tout à fait honnêtement, même si j'ai été contente de découvrir un auteur assez populaire en ce moment (et merci à Gaëlle pour le prêt), j'ai été assez déçue de ces deux lectures. Il y a des thrillers dont l'intrigue palpitante fait oublier la pauvreté du style; des polars dont les personnages hors du commun dissimulent une intrigue sans grand intérêt; des romans noirs dont le style rachète les faiblesses du fond. Mais ces deux romans-là n'ont pas grand-chose à offrir au lecteur exigeant ou blasé.

Point de vue intrigue, d'abord. A ce niveau-là, "Deuils de miel" a une longueur d'avance: si le jeu de piste mis en place par le tueur est quand même largement capillotracté (terme qui fait beaucoup plus sérieux que "tiré par les cheveux", il faut bien l'avouer), le lecteur a au moins la satisfaction de ne pas pouvoir deviner les rebondissements de l'enquête. Quoi que, ceci ne vaut pas pour un petit mystère annexe franchement facile à résoudre bien avant le héro. Par contre, en ce qui concerne "La forêt des ombres", quelle déception ! Au fur et à mesure que le soi-disant mystère se met en place, on repère sans le vouloir les éléments qui seront censés créer la panique. Ils sont tellement évidents que ça en est désespérant. Je n'irai pas jusqu'à dire que j'aurais pu deviner pas à pas ce qui allait se passer, mais quand on souhaite être surpris par le tableau et qu'on commence par nous déposer tous ses éléments en main, c'est beaucoup moins amusant... Pour tout dire, arrivée au milieu du livre, je n'avais plus tellement envie de savoir la suite. La mort pour un polar !

Reconnaissons quand même à Franck Thilliez une certaine inventivité dans la création de ses décors. D'accord, le chalet dans les bois construit autour d'un chêne, ce n'est pas courant. Les expériences qu'on y mène non plus. L'épave abandonnée dans un espèce de dépotoir à bateaux où il emmène Sharko, le confessional de l'église où on lui offre la première victime, on ne les trouve pas dans tous les polars. C'est un fait. Mais "inventivité" ne veut pas dire "originalité". Les décors de Thilliez sont trop grandioses, comme sortis d'un film sans prétention, un assemblage de produits certifiés à haute teneur en adrénaline. Facile de placer un huis clos dans un chalet lugubre perdu au fond des bois et isolé par la neige; le jour où un auteur enfermera ses personnages dans un loft tout confort au milieu d'une grande ville et arrivera à y insufler une atmosphère de terreur, alors là je dirai bravo. Les scènes sont parfois un tel ramassis de clichés que ça en devient un peu ridicule, comme cette station de métro fantôme à laquelle on accède par le sous-sol d'un bar sordide... On a même les roulements de tam-tams en fond sonore et les néons malades pour illuminer la scène. Manquerait plus qu'un albinos aux mains de géant pour vous y conduire, mais pas de bol, on n'aura droit qu'au grand noir à dreadlocks...

Point de vue personnages, d'ailleurs. Là aussi, le maître-mot est: clichés. Sharko rentre parfaitement dans le moule du flic ravagé par la vie et la violence, et sa patronne c'est la belle plante parfaitement à l'aise dans son rôle de maîtresse au milieu des durs; David Miller c'est le brave type un peu rêveur et très amoureux, sa femme la mégère hystérique ou en bonne voie de le devenir, Doffre, le milliardaire impotent mais volontaire. Vous les avez déjà croisés ? Malheureusement, moi aussi. Ce qui ne leur donne pas plus de crédibilité, vous remarquerez. Comment peut-on être aussi impunément violent que Sharko, aussi naïf et prévisible que Miller ? Il est peut-être là, le mystère de l'intrigue.

Quant au style... Il varie entre le "passable" et le "médiocre". Je dois dire que j'ai eu du mal avec les dialogues, peu naturels. Pour le reste, ça se laisse lire, sans aucun intérêt. Ce qui est un mal courant au pays des thrillers, il faut bien l'avouer, mais pas systématique: je suis en train de lire un polar qui échappe totalement à cette règle, je vous en reparlerai. Et puis, dans d'autres cas, comme je le disais, on pardonne ce défaut lorsqu'on est transporté par une histoire palpitante... ce qui n'est pas le cas ici.

Pour conclure, je suis bien obligée de constater une chose: je suis devenue difficile en matière de romans policiers. C'est un genre que j'ai toujours aimé lire et à force, je vois trop vite les ficelles, je fais trop souvent des comparaisons, je ne suis plus aussi facilement surprise. C'est bien dommage pour moi, parce que ça m'a empêchée d'apprécier une lecture dans laquelle, je peux très bien le concevoir, certains trouveront beaucoup de divertissement. Dans tous les cas, Franck Thilliez et moi, je crois que ça n'a pas été le coup de foudre. Mais que ça ne vous empêche pas de tenter votre chance parmi ses pages...

08 décembre 2009

Le livre des choses perdues, de John Connolly

Voici un livre qui m'a été généreusement prêté (en anglais) par Miss Spooky Muffin. Elle l'a choisi elle-même, à ma demande, car j'adore les surprises. Et sur ce point-là, je n'ai pas été déçue: c'est une découverte pour le moins étonnante...


Résumé:

David, 12 ans, a hérité de sa maman une passion pour les livres de contes. C'est tout ce qu'il lui reste, quand sa maman meurt et qu'il se retrouve obligé de vivre avec une belle-mère et un demi-frère qu'il déteste. Des choses bizarres commencent alors à lui arriver: il s'évanouit sans raison, entend les livres parler, et aperçoit un Homme Biscornu qui fouille sa chambre en son absence. Puis, une nuit, la voix de sa maman l'appelle dans le jardin et l'entraîne à travers un passage caché. David se retrouve alors dans un autre monde, peuplé de créatures bizarres et dangereuses, où il brave chaque jour de nouvelles aventures pour atteindre le Livre des choses perdues qui lui permettra de rentrer chez lui...


Mon avis:


Quand Miss Spooky Muffin m'a apporté le livre, elle n'a pas pu le décrire plus précisément qu'en disant: "c'est un livre vraiment bizarre". Au moment de faire ma critique, je comprends son problème: comment décrire une histoire pareille ?

D'abord, sous de nombreux aspects, c'est un conte. Il est écrit comme un conte, en commençant par "Il était une fois" et en utilisant ce style si particulier des conteurs: une distance avec le sujet couplée à une description précise des faits et des pensées, une présentation factuelle et sans passion des scènes les plus terribles. J'ai beaucoup aimé ce style qui laisse au lecteur le soin de mettre lui-même les points d'exclamation, il a réussi à me toucher dès les premières pages.

C'est aussi un conte dans sa ressemblance à l'histoire d'Alice au pays des merveilles. Tandis qu'Alice suit un lapin dans son terrier, David suit la voix de sa maman au travers d'un trou dans un jardin un peu particulier. Tous deux se retrouvent dans un monde à la fois semblable au leur mais différent; celui de David n'est illuminé que par un demi-jour, les arbres sont étranges et la vie ressemble à celle du Moyen-Age, mais il a ses ponts, ses villages et ses routes comme n'importe quel monde. Dans les deux cas, le monde est peuplé d'êtres étranges, basés sur des êtres réels mais déformés par l'absurde. Enfin, David et Alice cherchent tous deux à retrouver leur monde à eux après avoir fait l'erreur de passer volontairement dans le nouveau.

Mais "Le livre des choses perdues" n'est pas qu'un conte. Tout le début se situe dans la réalité, une réalité qui n'est pas qu'esquissée comme dans les contes traditionnels, mais une réalité sérieuse, un monde en guerre, une perte affective, le sentiment de trahison de David vis-à-vis de son père. Ensuite, le monde dans lequel il atterrit n'a rien du monde loufoque et comique d'Alice. La plupart des créatures qu'il croise sont tantôt horribles et effrayantes, tantôt atrocement cruelles. David se fait des amis mais ils lui permettent surtout de revivre la douleur d'une perte. De nombreuses scènes sont du bon matériel à cauchemars: les corps mutilés et les morts atroces sont nombreuses, les pièges se suivent, les méchants comme les gentils sont dévorés par des créatures diaboliques, les enfants sont martyrisés et les donjons sont des lieux de terreur. Point de vue émotionnel non plus, le lecteur n'est pas épargné: David souffre et rencontre des gens qui souffrent aussi, il est confronté à la peur, à la douleur, et à des sentiments plus sombres qu'il ne comprend pas bien mais que nous traduisons comme la menace de la pédophilie.

Mais dans tout ça, ce conte-qui-n'est-pas-un-conte parle quand même de contes d'un bout à l'autre. On se rend compte au fur et à mesure que le monde où se retrouve David est constitué autour de ses propres pensées, et donc en partie autour des livres qu'il a lus. Des contes classiques sont ainsi transposés, souvent pour le pire. Le Petit Chaperon Rouge est en fait une jeune fille débauchée à l'origine d'un peuple de monstres, la Belle au Bois Dormant est une sorcière qui attire les chevaliers pour mieux les tuer, ce genre de choses. Dans l'édition que l'on m'a prêtée, il y a à la fin plus d'une centaine de pages d'explications de l'auteur, avec les contes originaux qu'il a utilisés et ses raisons de les inclure ou de les modifier; c'est très intéressant, et on se rend compte de la logique sous-jacente. Un passage seulement m'a vraiment fait rire: celui où David rencontre Blanche-Neige et les septs nains, mais une Blanche-Neige obèse et mégère qui vit avec des nains communistes, lesquels ont essayé de l'assassiner avec une pomme en faisant croire que c'était l'oeuvre de sa belle-mère. Je me suis tellement amusée en lisant ce passage que j'ai regretté qu'il n'y en ait pas plus sur le même ton.

Au total, ce conte-qui-n'est-pas-un-conte-mais-qui-parle-de-contes laisse une impression durable bien que difficile à définir. L'auteur a un don particulier pour créer une ambiance oppressante et pour présenter des tableaux puissants: l'arrivée de David dans le nouveau monde, suivi par un bombardier en feu, en est une; le champ de bataille médiéval au milieu duquel trône un tank flambant neuf en est une autre (dont je n'ai pas bien compris le sens, d'ailleurs). Le voyage est réellement initiatique pour David qui doit faire face à chacune de ses peurs, apprendre à accepter la mort de sa mère et à réaliser l'injustice de ses sentiments envers sa belle-mère et son demi-frère. Pour le lecteur, si l'apprentissage est difficilement transposable, c'est quand même un parcours qui fait souvent battre le coeur. Une expérience à tenter, vraiment.

28 novembre 2009

Sous le cèdre, de Catherine Thomas-Anterion

Toujours dans mon objectif de varier les styles de lectures, je viens d'en tester un radicalement différent et qui manquait encore à mon palmarès: la poésie. J'ai lu "Sous le cèdre" grâce à un partenariat entre Livraddict et Les Editions Baudelaire. Une découverte pour le moins intéressante, puisque ça fait bien longtemps que je n'avais pas abordé ce genre littéraire.


Résumé:

"Sous le cèdre invite à s'abriter sous l'arbre majestueux, pour chercher l'ombre, se protéger de la pluie, ou regarder la lumière à travers les branches horizontales. (...) L'écriture tantôt travaillée comme la laque déposée en plusieurs couches pour augmenter la brillance, tantôt simplifiée à l'extrême, invite le lecteur à comprendre de quel bois il est fait. Le voyage poétique solitaire révèle l'expérience fabuleuse d'être en symbiose avec l'autre, si proche et si dissemblable, au point d'être une espèce différente, et ce pour un bénéfice mutuel: Sous le Cèdre, je profite de la fraîcheur, regarde couler la sève dans mes artères (...) et permets aux branches de s'élever en massant les racines."


Mon avis:


D'habitude, lorsque je commente un livre sur ce blog, je m'amuse à vous proposer un résumé personnel; je prends plaisir à présenter l'histoire telle que je l'ai ressentie, en quelques mots bien choisis, un petit exercice intéressant qui me permet de rassembler mes impressions de lecture. Pourtant, cette fois-ci, c'est la quatrième de couverture que je vous soumets. Tout simplement parce que je serais incapable de vous résumer un livre dans lequel je me suis perdue.

Au début, je n'ai pas mesuré le danger. Je savais qu'il s'agissait de poésie, un genre que je connais peu, mais que j'ai toujours abordé très simplement: en commençant par le début et en attendant de me laisser bercer. Ma recette pour toutes les lectures, en fait. Et ça a très bien fonctionné pour ce qui a constitué mon expérience très limitée dans le monde de la poésie: Baudelaire, Rimbaud, Prévert... De grands classiques très scolaires que je parcours encore pour le plaisir, tout en sachant très bien qu'ils ont depuis lors été remplacés par une poésie plus libre.

En ouvrant ce recueil-ci, j'ai découvert une oeuvre divisée en textes d'une page en moyenne, eux-mêmes composés de paragraphes d'une à trois phrases à peu près. Des titres mais pas de rimes ni de rythme. Et au bout de trois ou quatre textes, j'ai constaté que c'est tout ce que j'en retenais: la forme, parce que le contenu ne m'atteignait pas.

J'ai donc recommencé, plus lentement, plus attentivement. J'ai fait l'effort de m'arrêter après chaque paragraphe, de le relire sans trop me forcer mais en prenant le temps de visualiser chaque phrase. J'ai persévéré pendant une quinzaine de textes, un tiers du recueil environ, puis j'ai renoncé encore une fois: visiblement, ma technique n'était pas la bonne. J'arrivais à situer le sens d'un mot, parfois le sens d'une phrase, très rarement le sens d'un paragraphe et jamais celui d'un texte. Plus l'ensemble grandissait, plus il me paraissait flou; pas le flou agréable, celui où l'on nage dans l'ignorance cotoneuse tout en sentant le sol ferme de la compréhension sous ses pieds, mais le flou total, le grand vide du trou noir. Au niveau de l'ensemble le plus grand, le recueil, j'étais dans l'obscurité totale.

J'ai donc à nouveau raffiné ma technique et j'ai repris depuis le début. Cette fois-ci, j'ai analysé. J'ai lu chaque texte, souligné, pris des notes, mis en rapport les champs sémantiques avec le titre, comparé la longueur des paragraphes, leurs enchaînements. D'un texte à l'autre, j'ai recherché les différences, les contours, les raisons qui faisaient que telle phrase avait sa place ici, telle autre sa place là-bas. J'ai adopté une optique scolaire. Et j'ai découvert certaines choses, certaines phrases qui avaient du sens, une certaine logique dans certains textes. Le texte "l'air traversé" parle de la nature à chaque paragraphe, celui intitulé "les jours heureux" rassemble de nombreux mots exprimant des sentiments agréables, et "le chant des oiseaux" alterne des passages sur les oiseaux, la musique ou les bruits. J'ai aussi noté une certaine symétrie entre le début et la fin du recueil: un premier paragraphe "sous un grand pin foudroyé", qui mentionne l'hiver et les larmes; un dernier paragraphe "sous le Cèdre", décrit un moment qui rappelle le printemps.

Pourtant, au terme de l'analyse, force me fut de constater que ce ne devait pas être la bonne méthode non plus, puisqu'elle ne marchait que par intermittence. Le texte "les merveilleux nuages" ne mentionne pas le moindre nuage, celui qui s'intitule "Cyrius" ne m'a pas donné le moindre renseignement sur le sens de ce mot, et quand parfois je sens un contexte s'esquisser au fil des phrases, c'est pour qu'il soit totalement hors-propos au paragraphe suivant.

Alors j'ai repris à nouveau ma lecture, non plus du début à la fin, mais en toute liberté. J'ai ouvert une page au hasard, je l'ai lue à haute voix, j'ai cueilli une phrase un peu plus loin, je l'ai suivie sur quelques paragraphes, je l'ai abandonnée quand je n'y ai plus trouvé mon compte, j'ai dérivé de pages en pages. C'est finalement la méthode qui m'a parue la plus satisfaisante. J'ai pêché de très jolie phrases qui, prises individuellement, m'ont beaucoup satisfaite, et je les ai sorties de leur contexte que je ne comprenais pas. Quelques exemples:
Enfermée, j'ai gardé au chaud des pépins de vie. J'ai maintenant tant à semer.

Sur le mur, une fine couche de neige. Dans mon coeur, le crépitement du feu.

Le doute est un poison que le goût amer révèle à temps.

Je suis folle à délier.

Tes mots ne me quittent plus, je les porte en écharpe et ils sont plus doux que des bas de soie.

Pourtant, ce ne sont là que des bribes; je ne peux citer un seul texte que j'aurais envie de relire en entier. Je me sens un peu moins coupable quand je lis de l'auteure que "son écriture est à la fois profonde (hermétique et secrète) et très concrète comme la parole simple." Je ne peux qu'approuver: des mots simples, oui, mais un sens global hermétique. Secret aussi, car j'ai eu souvent l'impression que tout ceci n'a été écrit que pour une seule personne, un lecteur privilégié qui sait de quel cèdre il s'agit, à qui le mot Cyrius rappellera quelque chose. Moi, au-delà d'une phrase ou deux, je me suis sentie laissée à l'écart.

Au total, je peux affirmer que ces textes-là m'ont laissée dans la marge. Ce que j'ignore encore, c'est si le recueil en est la cause, ou si je suis tout simplement trop cartésienne pour ressentir toute la qualité d'une poésie libre. J'ai un peu perdu pieds pour ce premier plongeon, mais peut-être faut-il encore que j'apprenne à nager ?

27 novembre 2009

Les 1001 vies de Billy Milligan, de Daniel Keyes


Je continue ma petite exploration des genres littéraires les plus variés avec, cette fois-ci, ce qu'on pourrait appeler un "docu-fiction". Ce livre décrivant une histoire vraie m'avait été recommandé récemment par des membres de Livraddict; aussi quand le Livre de Poche nous en a offert une dizaine d'exemplaires au mois d'octobre, j'ai sauté sur l'occasion !


Résumé:

Ohio, 1977. William Stanley Milligan est arrêté pour le viol de trois jeunes femmes. Des preuves irréfutables l'accusent, mais lui dit ne se souvenir de rien. Devant son comportement étrange, ses avocats demandent une expertise psychiatrique. Les médecins se rendent alors compte qu'ils n'ont pas affaire à un seul homme, mais à de multiples personnalités qui se partagent le même corps. Devant leurs yeux, Billy se transforme en Arthur, l'Anglais autain et raffiné; Ragen, le Yougoslave violent à la force physique impressionnante; Adalana, la lesbienne en manque d'affection; David, le petit garçon qui prend sur lui toute la douleur des autres... En tout, 24 personnalités différentes qui cohabitent sans toutes se connaître, qui prennent à tour de rôle le contrôle de Billy sans savoir ce que les autres lui ont fait faire et qui dirigent sa vie chaotique depuis de longues années.



Mon avis:

Cette histoire carrément époustouflante est difficile à lâcher quand on a commencé, et personnellement j'ai été hypnotizée du début à la fin.

Le livre est divisé en trois partie. Dans la première, l'auteur décrit les faits qui ont mené à l'arrestation de Billy, puis la découverte de ses personnalités multiples, son procès et une partie des soins psychiatriques dont il a fait l'objet, jusqu'au moment où apparaît une personnalité qui connaît l'entièreté de l'histoire de Billy et qui peut donc la raconter. Dans la deuxième partie, on reprend donc son histoire depuis sa jeunesse, on assiste à l'apparition des différentes personnalités et à la vie tumultueuse de Billy qui le mène aux viols. Enfin, une troisième partie, plus courte, reprend l'histoire à partir de là où on l'avait laissée à la fin de la première: la suite de ses soins psychiatriques, l'emballement médiatique autour de son cas et son enfermement en centre pénitentiaire.

L'ensemble est raconté sur le ton des livres de Pierre Bellemare, le côté sensationnel en moins: l'auteur décrit les faits en romançant légèrement les réactions des personnages, mais surtout en nommant scrupuleusement tous les intervenants et en détaillant les enchaînements d'actions et d'événements. On lit presque un compte-rendu journalistique, à la fois froid et captivant. Très vite, la surprenante maladie de Billy est dévoilée, et on se demande un peu comment l'auteur va réussir à tirer plus de six cent pages quand les personalités multiples s'expliquent dès les premiers chapitres et que son procès est bouclé avant la deux-centième page.

Mais tout le talent de Daniel Keyes est là: sur la base de ses nombreux entretiens avec Billy, il a su reconstituer toute sa vie, ou plutôt toutes ses vies. Et on est carrément bluffé. On suit toute son histoire comme on lirait un roman de science-fiction, un peu comme dans la vieille série américaine "Code Quantum", où une expérience scientifique malheureuse envoie le héro prendre la place d'individus variés dont il doit changer le destin. Très vite, on oublie que Billy n'est qu'une seule et unique personne, on voit à travers ses yeux et on comprend très bien le désordre de sa vie.

Là où Daniel Keyes fait également preuve de génie, c'est quand il nous permet de suivre toutes ses aventures sans trop se perdre au milieu des nombreux intervenants. Il y a bien quelques noms qui nous échappent, mais les principaux sont vite identifiés et repérés sans effort. C'est particulièrement impressionnant quand on se rend compte du mic-mac des différentes personnalités de Billy: il y a celles qui dominent, celles qui se cachent, celles qui sont bannies, celles qui connaissent certaines autres mais pas toutes... Un vrai système logique et compliqué, mais que l'on découvre progressivement sans jamais s'y perdre. Notez quand même qu'il y a un glossaire des personnalités de Billy à la fin du livre, mais forcément, je ne l'ai vu que quand j'ai terminé ma lecture...

Bref, une histoire vraie difficile à croire et absolument passionnante, bien écrite et extrêmement bien documentée. On en sort bouche bée avec l'envie de la raconter à tout le monde.

Je n'ai que deux critiques à émettre sur ce livre: la première, c'est le parti-pris résolument en faveur de Billy qui est affiché par l'auteur, surtout dans la troisième partie. Non seulement il ne remet jamais en cause l'existence des personnalités multiples (ce qui semble normal si elle est attestée par pas moins de cinq spécialistes et s'il est persuadé de les rencontrer lui-même), mais il a tendance à subtilement présenter sous un jour négatif ceux qui prennent Billy pour un manipulateur et la populace qui réclame justice pour les viols ou craint pour sa sécurité. Dans une description aux apparences objectives, un petit mot peut faire beaucoup pour aliéner le lecteur à un personnage, et plusieurs de ces petits mots parsèment les compte-rendus des passages devant la cour dans la troisième partie du livre.

Une autre petite critique que je ferais est un manque de soin dans l'édition: j'ai repéré une bonne dizaine d'exemples où il manquait un espace, un point, ou deux mots étaient collés ensemble, et c'est un peu dommage même si ça n'handicape pas la lecture.

Bref, je vous recommande la lecture de ce livre, non pas si vous cherchez un beau morceau de littérature, mais si vous vous souhaitez découvrir ce destin qui sort vraiment du commun.

Pour finir, un passage où l'on discerne bien l'ensemble des personnalités réagissant de façons différentes alors que Billy est seul:

On le jette dans une cellule, nue en dehors d'un matelas recouvert d'une alèse de matière plastique, et l'on referme la porte sur lui. En l'entendant claquer, Ragen bondit. Il va l'enfoncer ! Mais Arthur arrête son geste. Samuel s'empare du projecteur et tombe en prière: "Oy Veh ! Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ?" Philip se rue contre la porte en jurant et c'est David qui prend sur lui la douleur. Christine sanglote, à plat ventre sur la paillasse et Adalana sent les larmes qui ruissellent sur ses joues. Christopher s'assied sur son séant et tripote le bout de ses souliers. Tommy entreprend d'examiner la serrure de la porte mais Arthur le tire à l'écart du projecteur. Allen demande à parler à son avocat. April, qu'anime un désir de vengeance, rêve qu'elle met le feu à l'hôpital. Kevin pousse des jurons. Steve l'imite. Lee rit aux éclats. Bobby imagine qu'il s'envole par la fenêtre. Jason pique une violente colère. Mark, Walter, Martin et Timothy arpentent la pièce en divaguant. Shawn émet un bourdonnement. Arthur ne dirige plus les indésirables.

Merci au Livre de Poche pour cette lecture qui m'a beaucoup plu, et à Livraddict pour avoir organisé ce partenariat !

19 novembre 2009

Mes challenges lecture

Toute nouvelle dans le monde de la blogosphère littéraire, je découvre ses rites et ses habitudes. Je constate notamment que tout y est prétexte pour découvrir de nouvelles lectures. L'un des rituels les plus courants est celui des challenges. En fin d'année, ces défis littéraires fleurissent sur la toile, et il faut juste faire attention à ne pas se laisser prendre trop souvent.

Le principe est simple: l'organisateur/trices propose un thème et une série de livres correspondant, et ceux qui s'inscrivent s'engagent à lire un certain nombre de ces livres, généralement dans un délai d'une année. Le participant mentionne le challenge sur son blog et l'organisateur/trice répertorie les résultats des participants. C'est une façon de se mettre au défi en groupe et d'ordonner ses découvertes autour d'un thème commun.

J'ai été raisonnable (pour le moment) et j'ai choisi de suivre deux challenges différents et complémentaires.
Le premier est celui proposé par Boubou, le challenge "100 ans de littérature américaine" consacré à la littérature US du XXème siècle. J'ai immédiatement craqué dessus parce qu'il me convient particulièrement. D'un côté, un très bon ami canadien étudiant en littérature anglo-saxonne ne cesse de me présenter des oeuvres classiques à découvrir, et grâce à lui je sais que de toutes façons je lirai de la grande littérature américaine, alors pourquoi ne pas en faire un challenge ? D'un autre côté, pratique celui-là, en ces temps de vaches maigres je peux commander facilement les classiques anglo-saxons sur internet et en éditions bon marché, ce qui est un avantage non négligeable. J'y ai quand même été prudemment et je me suis engagée pour six livres sur un an. Ce n'est pas énorme, mais je ne sais pas ce que l'avenir me réserve, et avec tous les partenariats et les livres recommandés sur livraddict, il y aura sûrement de la concurrence...



Le second challenge auquel je participe, c'est celui organisé par Livraddict pour 2010. Là, le principe est de choisir les livres à lire dans la liste des 100 livres les mieux classés sur la bibliothèque virtuelle Bibliomania. La liste a été déterminée dimanche passé, et il y a beaucoup de titres que j'ai déjà lu, certains qui ne m'intéressent pas réellement et quelques-uns que je voulais lire de toutes façons. Du coup là aussi je vais la jouer prudente et m'engager pour six livres, titres à déterminer au fur et à mesure en fonction de mes envies. Je vais essayer de privilégier la littérature francophone comme ça j'aurai un challenge en anglais et un challenge en français. Quand je vous dis que ces deux-là sont complémentaires...




Voilà, affaire à suivre, et rendez-vous dans un an pour le bilan !

15 novembre 2009

Une vie de Pintades à Paris, de Layla Demay et Laure Watrin

L'intérêt principal des livres reçus en partenariat avec des maisons d'éditions, c'est qu'on en vient à découvrir des livres qui normalement n'auraient jamais atterri dans notre bibliothèque. C'est comme ça que moi qui évite généralement la "chick-lit" (littérature destinée aux femmes), qui ne suis pas fan du rose, qui n'ai jamais habité Paris et qui suis incapable de caqueter, je me suis retrouvée à lire une histoire de Pintades à Paris.


Résumé:

Dans le monde de la pintade, ces femmes d'aujourd'hui "sérieuse et frivole à la fois", la Parisienne est une espèce à part. Râleuse, frondeuse, coquette, débrouillarde, adorable et insupportable, la pintade parisienne mérite largement qu'on lui consacre un ouvrage. Comment survit-elle dans la jungle d'une ville surpeuplée ? Comment s'habille-t-elle, comment se déplace-t-elle, comment éduque-t-elle ses enfants ? Où va-t-elle boire un verre, manger un bout, nager quelques longueurs, se faire masser ? Qu'est-ce qui l'amuse, qu'est-ce qui l'énerve et qu'est-ce qui la fait bouger ? Au fil de ce livre, vous apprendrez tout des moeurs et habitudes de la belle Pintade à Paris.


Mon avis:

En recevant ce livre, je ne sais pas trop ce que j'attendais. Quelque chose comme un long article de Cosmopolitan, peut-être, même si je ne lis jamais Cosmo parce que je ne comprends pas la moitié de ce qu'ils racontent. Pauvre de moi, je ne suis pas "trendy", je ne connais aucun "designer" et j'ai dû vérifier sur internet ce qu'était un "sac Birkin"; pire, je ne suis jamais sortie en boîte à Paris, j'ignore le prix d'un café sur les Champs Elysées, et si je croisais un "people" dans la rue, je ne le/la reconnaîtrais pas... Bref, je m'attendais à être complètement larguée trois page après la couverture rose.

Grave erreur ! Il y a bien une petite odeur de Cosmo là-dedans, dans le choix de certains sujets surtout (les ventes privées, la mode, les salons de massage ou de coiffure,...). Mais c'est avant tout une étude de moeurs pleine d'humour. En réalité, ça m'a surtout fait penser aux intros des Guides du Routard, vous savez, ces premiers chapitres où ils vous briefent sur la vie du pays que vous allez visiter sur un ton à la fois didactique et moqueur. Même style, même principe: les deux auteures des "pintades" nous emmènent dans les boudoirs féminins de la capitale française pour rire un peu avec/de leurs propriétaires. Sans compter que chaque chapitre se termine sur un petit carnet de bonnes adresses, comme tout guide qui se respecte.

Mais on y trouve aussi des petits portraits amusants ou touchants de femmes en tous genres, plutôt du style "petite tranche de vie" qui vous laissent un sourire attendri, et quelques expériences bien féminines et très peu scientifiques (tel que: débarquer chez le coiffeur des stars sans être une habituée), qui vous dévoilent un peu les injustices d'une vie de Pintade. A la fois étude sociologique, magazine féminin et long billet humoristique, ce petit livre rose ne s'adresse pas uniquement à celles qui s'y reconnaîtront puisqu'il m'a amusée moi aussi.

Alors, c'est écrit pour qui ? Peut-être pas pour les hommes - ou alors, uniquement pour les compagnons des pintades si bien décrites, mais ce serait un peu cruel. En-dehors des principales destinataires, les Parisiennes elles-mêmes, je verrais bien "Une vie de Pintades à Paris" glissée dans le sac de la touriste francophone, à la fois curieuse de la faune locale et à la recherche de bons plans. J'imagine que c'est la lecture parfaite pour occuper le trajet en TGV à l'aller, et à ressortir une fois sur place pour y dénicher les bons plans que le "Lonely Planet" du conjoint n'aura même pas remarqué.

Une dernière chose appréciable: la présentation. Couverture glacée, pages bien blanches qui sentent le neuf, polices variées et soignées, illustrations à chaque chapitre. Pour une fois, un livre de poche qui sent un peu le luxe, ça fait toujours plaisir. Bref, une petite lecture sympa, rien de transcendant, un truc de filles, quoi !

Pour terminer, une petite bouchée du gâteau:

Parce que, évidemment, dans le métro, le principal problème des Parisiens, en-dehors des grèves, c'est les Parisiens. Sous terre (et à l'air libre d'ailleurs), la Parisian attitude n'est pas exactement synonyme de civisme et de discipline. Il y a des gestes qui coûtent: laisser les autres sortir avant d'entrer dans la rame, se diriger vers le fond ("Arrêtez de pousser !") ou se lever de son strapontin quand il y a du monde. La pintade enceinte expérimente la charité mal ordonnée de ses congénères qui, alors qu'elle ne distingue plus ses pieds tant son ventre est rond, ne la "voient" pas quand elle monte. Ce qui l'oblige (enfin, celle qui ose) à se planter devant des grands gars costauds (au hasard) pour leur demander gentiment si cela ne les dérangerait pas trop de se lever. Regards dans le vide ou yeux rivés au sol... Son audace lui vaut parfois des réponses de gentleman: "Et pourquoi moi ?" Heureusement, la solidarité féminine n'est pas un mythe: les femmes sont celles qui se lèvent le plus spontanément.
Entendu dans le RER A (quatre cent malaises par an en moyenne), une fin d'après-midi caniculaire sans air conditionné sous terre: "Oh lala, je sens que je vais tomber dans les pommes", dit une jeune femme écrasée de chaleur et de monde. Réponse d'un de ses voisins: "Vous inquiétez pas, vu le monde qu'on est, vous ne risquez pas de tomber !"

Je l'ai dit ? Non ? Bon, ben: merci aux éditions du Livre de Poche et à Livraddict pour la découverte :)

13 novembre 2009

Les accommodements raisonnables, de Jean-Paul Dubois


Je vous présente aujourd'hui le tout premier livre que j'aie reçu grâce aux partenariats du site Livraddict. Il a été envoyé gratuitement par les éditions Points pour que je puisse le découvrir et le faire découvrir à mes lecteurs. Je n'en connaissais donc que le titre, l'auteur et la quatrième de couverture; c'est une totale nouveauté que je ne regrette absolument pas.


Résumé:

Paul Stern passe par une période difficile. Depuis la mort de son oncle riche et dévoyé, son vieux père semble avoir décidé de le remplacer et jette par dessus-bord tous les principes moraux qu'il a inculqués à son fils. Anna, l'épouse de Paul, se noie depuis des mois dans une mer de dépression où personne ne semble pouvoir l'atteindre. Ses enfants lui sont presque étrangers, et ce sont ses petits-fils qui lui paraissent les membres les plus mûrs de sa famille. Au point de vue professionnel non plus, ça ne va pas très fort: son boulot de "script doctor", chargé de réécrire des scénarios de films ou de séries, lui semble terriblement superficiel. C'est pourquoi, quand Paul reçoit une offre d'emploi de plusieurs mois à Hollywood, il saute sur cette occasion et prend consciemment la fuite. Mais dans la ville du cinéma, où les tentations sont nombreuses et les vies désordonnées, Paul doit sans cesse s'octroyer des "accommodements raisonnables" entre sa morale et ses besoins, sa conscience et ses envies, sans savoir jusqu'où ces compromis le mèneront.


Mon avis:

C'est le premier livre que je lis de Paul Dubois, un auteur dont je n'avais jamais entendu parler, et je l'ai lu sans avoir croisé la moindre critique, donc sans le moindre a-priori. Au cours de ma lecture, je me suis souvent demandé si j'aimais ou pas. Au final, la réponse est positive: c'est une histoire un peu lente, un peu lourde, un peu dérangeante, mais que j'ai appréciée.

Parmi les points positifs, j'accorde la première place au style de l'écriture. C'est joliment écrit, à la première personne, sur un ton très naturel et pourtant recherché. Le vocabulaire est varié, sans tomber dans le travers de certains auteurs qui donnent l'impression d'avoir remplacé tous les mots trop communs par des synonymes trouvés dans le dictionnaire et pas toujours bien compris.

Au niveau de l'intrigue, ceux qui recherchent de l'action vont être déçus. L'histoire avance pas à pas, mois après mois, mais les pages sont plutôt remplies d'une longue introspection. L'atmosphère est assez sombre puisqu'elle est vue au travers des yeux d'un homme désabusé ascendant cynique qui voit tous ses repères s'écrouler un à un. Le monde décrit est ancré dans un passé récent (celui de l'élection de Sarkozy, de la grève des scénaristes d'Hollywood) et parsemé de quelques noms connus (surtout des acteurs américains), ce qui rapproche le héro du lecteur, mais les extravagances des personnages aussi bien en France qu'aux Etats-Unis plongent tout ceci dans une brume d'irréalité qui donne à l'ensemble le goût d'un monde parallèle.

Ce qui m'a le plus dérangée dans tout ceci, c'est l'attitude du narrateur, Paul. C'est un grand passif qui se laisse écraser par le destin, par ses pulsions et par les autres. Il donne a lui tout seul le titre du roman en ne cessant d'agir à l'inverse de ce qu'il sait être bien ou juste: il se laisse mettre à l'écart par sa femme et son psy, tout en réalisant qu'ils l'empêchent de jouer le rôle du mari qu'on attend de lui; il s'enfuit dès qu'il en a la possibilité, laissant derrière lui ses devoirs et sa culpabilité; il abdique immédiatement face à ses pulsions dès qu'elles le poussent à faire ce qu'il sait être mal; il se laisse consciemment manipuler par les grands pontes du cinéma qui en font un traître à ses collègues; il va même jusqu'à se faire torturer le dos par un charlatan et boire le jus dégoûtant produit par un champignon, juste parce qu'on lui a dit qu'il en avait besoin. A chaque pas, il sait pertinemment qu'il s'enfonce un peu plus loin de ses principes et de sa dignité, mais il accepte, passivement, au nom des "accommodements raisonnables" qui lui permettent de vivre.

Du coup, j'espérais presque que justice soit faite et qu'il récolte les épines des roses qu'il cueillait. Je voulais aussi savoir jusqu'où il irait avant de se noyer. Et c'est là que ce livre fait réfléchir: jusqu'où peut-on aller sans perdre pied, avant de ne plus pouvoir se regarder dans un miroir ? L'auteur ne donne pas de réponse, puisqu'il termine son roman par une petite volte-face un peu décevante. Je me demande encore si son but était de persuader le lecteur que les accommodements que nous faisons avec notre conscience sont nécessaires et raisonnables, s'ils permettent de poursuivre sur un meilleur pied. Si c'est le cas, il n'a pas atteint son but avec moi: je reste persuadée que dans l'histoire de Paul, tout aurait pu - peut-être même, aurait dû - se finir très différemment. Mais ça ne m'empêche pas de le remercier pour un roman que j'ai parcouru de bout en bout avec plaisir, et pour un questionnement qui en vaut la peine.

Avant de terminer, un passage tiré des dernières pages mais qui résume bien l'état d'esprit de Paul tout au long du livre:
Il me fallut un certain temps pour comprendre que ma famille venait de vivre une année singulière, une période que nous n'avions jamais connue jusque-là et qui nous avait tous amenés à nous enfuir droit devant nous, pareils à des animaux qui détalent devant un incendie. Mon père avait basculé le premier, Anna ensuite, et moi enfin. Nous étions partis chacun dans des directions lointaines ou opposées, aveuglés par diverses formes de paniques, comme si quelque chose d'impérieux nous chassait de nos vies. L'origine de cette étrange épidémie rôdait quelque part en nous-mêmes. Les accommodements raisonnables que nous avions tacitement conclus nous mettaient pour un temps à l'abri d'un nouveau séisme, mais le mal était toujours là, tapi en chacun de nous, derrière chaque porte, prêt à resurgir.
Encore une fois, merci à Livraddict et aux Editions Points pour cette découverte !

07 novembre 2009

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

Il y a deux jours a eu lieu le tout premier Book Club sur Livraddict. Le Book Club, c'est une idée géniale de Jess qui nous a proposé de nous réunir pour lire ensemble un même livre et en discuter sur le forum, un certain jour à une certaine heure. De cette façon on peut entamer un réel débat d'opinions avec d'autres lecteurs. Depuis sa création, livraddict organise un Book Club par mois, portant sur un livre choisi par referendum deux mois à l'avance.

Cette fois-ci, donc, nous avions décidé de lire "Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" (en anglais: The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society), de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows. Sous ce titre original se cache une petite histoire sympathique que j'avais envie de découvrir. Voici donc ma critique personnelle, enrichie des commentaires d'autres lecteurs.


Résumé:

Londres, quelques mois après la fin de la deuxième guerre mondiale. La jeune et pétillante Juliet Ashton est en pleine campagne de promotion pour son premier livre, un recueil de textes humoristiques qu'elle publiait dans les journaux pendant la guerre, lorsqu'elle reçoit une lettre d'un inconnu, Dawsey Adams. Celui-ci affirme être un habitant de l'île de Guernesey, posséder un livre qui lui a appartenu et souhaite quelques informations sur l'auteur. Au cours de leur correspondance, Juliet fait la connaissance d'une société littéraire au nom bizarre, créée sur l'île de Guernesey pour tromper l'occupant allemand après une réunion illégale. Sentant venir l'inspiration pour un nouveau livre, Juliet écrit et reçoit des lettres de plusieurs des membres de cette société, et découvre un petit microcosme de villageois attendrissants qui lui racontent leur vie pendant la guerre.


Mon avis:

Je dois dire que j'ai été séduite par cette lecture facile et agréable, touchante et amusante à la fois. Ce livre est écrit sous la forme épistolaire, un genre que j'aime assez pour le côté intime qu'il dégage, l'impression que chaque lettre nous est un peu destinée. Si l'histoire se construit autour d'une intrigue assez simple, elle sert surtout de support pour une série de flash-backs sur la vie de cette île anglaise occupée pendant toute la guerre. Les membres du cercle littéraire lui présentent chacun à sa façon, sur le mode naïf et touchant, une période de leur vie qui a été extrêmement dure. Pièce par pièce on reconstruit ainsi une île où les habitants ont faim, dont certains se cachent, où ils doivent subir les réquisitions et la vue d'un camp de concentration dressé sous leurs yeux où de jeunes étrangers meurent par milliers. On mesure la douleur d'avoir dû se séparer leurs enfants pour les protéger, la honte de ne plus pouvoir se laver par manque de savon. On revit avec eux tous ces petits détails qui rendent la vie si difficile en temps de guerre, mais présentés avec une touche de naïveté qui leur évite le ton effroyable des témoignages les plus durs.

Si j'ai été réellement séduite sur le moment, je ne peux que me ranger à certaines critiques que d'autres lecteurs ont relevé au cours du Book Club. La plus pertinente est celle à propos du dénouement final, une histoire d'amour prévisible depuis la moitié du livre et présentée sans surprise. On m'a aussi fait remarquer que le style d'écriture des différentes lettres est trop similaire pour être crédible, étant donné les différences d'éducation entre les protagonistes, et je ne peux qu'approuver:  j'ai senti quelques nuances, mais elles restent légères. J'ai par contre beaucoup aimé les personnages hauts en couleurs et les liens qui les unissent, même si au début on se mélange un peu les pinceaux au milieu de tous ces noms.

Voilà, une oeuvre attendrissante que j'ai lue et que je relirai avec plaisir. Si vous souhaitez un résumé des débats du Book Club sous forme de critique commune, vous trouverez ça sur le blog de Livraddict. Au mois de décembre, nous discuterons ensemble de la nouvelle "Le drôle de Noël de Scrooge", de Charles Dickens. N'hésitez pas à venir vous inscrire pour participer à nos débats !

03 novembre 2009

Papa-Longues-Jambes, de Jean Webster.

Personne ne pourra me dire que je ne varie pas mes styles de lecture. Après un passage par la bit-lit, je fais un détour vers le roman épistolaire classé "jeunesse". J'avais croisé Papa-Longues-Jambes il y a de longues années, à l'époque où je recevais encore des Folios Junior pour mon anniversaire, et il m'avait laissé un souvenir lointain mais agréable. Je l'ai maintenant relu en anglais, de façon à pouvoir opérer une double comparaison: langue originale vs. traduction et lecture d'adolescente vs. lecture d'adulte.


Résumé:

Judy Abbott a passé les 17 ans de sa vie dans un orphelinat, et il est maintenant temps de lui trouver une situation. Après avoir lu une de ses dissertations, un généreux bienfaiteur qui souhaite rester anonyme lui propose un marché: il lui offre quatre ans d'études à l'université pour qu'elle devienne écrivain, en échange de quoi elle doit lui écrire chaque mois une lettre décrivant sa nouvelle vie. Judy se confie donc à cet homme dont elle ne connaît que la silhouette allongée entrevue à l'orphelinat, et qu'elle surnomme affectueusement Papa-Longues-Jambes. Au travers de ses lettres, on découvre la vie d'une jeune étudiante joyeuse, spontanée et en quête d'affection.


Mon avis:

Si les lettres de Judy sont datées en jour et en mois pour donner une idée de la chronologie, l'année n'est pas précisée. Mais ce roman ayant été publié en 1912, ça laisse deviner l'époque qu'il décrit.

Miss Jerusha Abbott est donc une gentille orpheline élevée dans un home. Ce n'est pas le Lowood de Jane Eyre, elle semble y avoir été bien traitée, mais malgré tout on lui a fait comprendre qu'elle est élevée par charité: elle hérite des vêtements offerts aux pauvres, elle est destinée à devenir bonne-à-tout-faire ou quelque chose comme ça, et si elle n'a pas déjà quitté l'école à 14 ans, c'est uniquement parce qu'elle est une élève brillante et qu'elle travaille à l'orphelinat pour payer son entretien. Dans le monde du début du siècle, on n'est rien si l'on n'a pas une famille respectable. Alors bien entendu, l'offre du généreux bienfaiteur est une véritable aubaine: la voilà envoyée au collège où l'on éduque les jeunes filles de bonne famille pour qu'elles se rendent utiles avant de se marier. C'est un peu un autre monde dans lequel elle arrive...

Là où l'histoire devient originale, c'est d'abord la condition du bienfaiteur: il ne veut pas avoir à faire le moindre effort pour elle à part lui payer ses études, mais il lui demande de lui écrire des lettres auxquelles il ne répondra pas. Et puis, deuxième surprise: le caractère et la façon d'écrire de Judy. N'importe qui d'autre, à son époque et dans sa situation, aurait produit des missives respectueuses, organisées, limitées aux cours et aux remerciements pour cette énorme faveur qu'elle reçoit. Mais Judy considère d'emblée ce monsieur inconnu comme un ami, pire, comme sa famille toute entière, et elle se confie. Elle écrit très spontanément, elle décrit sa vie avec beaucoup d'humour et de chaleur, et on ne peut s'empêcher de l'aimer dès la première lettre: elle est tout simplement adorable.

L'adolescente que j'étais à la première lecture avait beaucoup aimé Judy, la parfaite grande soeur. J'avais aussi aimé me plonger dans la vie du début du siècle, dans cet internat pour jeunes filles, les bals, les activités sociales et la vie de tous les jours, différente et à la fois semblable à la mienne. Et puis le mystère de Papa-Longues-Jambes et la petite histoire d'amour avaient ajouté une légère touche romantique qui m'avait bien plu.

L'adulte que je suis a aimé le livre un peu différement. J'ai à nouveau été séduite par Judy, cette fois-ci comme une petite soeur trop mignonne, touchante dans sa timidité, ses découvertes, sa naïveté et son enthousiasme. Mais pour des lecteurs pas trop naïfs, le petit mystère est très vite éclairci. Et puis cette fois-ci, son monde me paraît réellement différent du mien: la hiérarchie sociale terriblement pressante transparaît au travers des paroles de Judy, qui n'ignore pas qu'elle n'a aucun droit sans parents ou sans argent, quelles que soient ses qualités personnelles. Et tout à coup, elle est plongée dans le monde des enfants heureux, et elle y est obligée de mentir sur ses origines pour faire bonne impression. De plus, j'ai cette fois-ci ressenti l'arrière-goût légèrement amer de cette histoire: le besoin d'affection si pressant de ces enfants sans famille. En plus d'un journal amusant et d'une petite histoire d'amour, mes yeux d'adultes y ont lu un côté touchant et attendrissant que je n'avais pas repéré à la première lecture. Une raison en plus pour aimer ce livre.

Bref, une lecture facile, courte, très mignonne et touchante; un roman aussi rafraîchissant que son héroïne. En ce qui concerne la langue, je suppose que la traduction a bien reflété le style de l'original parce que j'ai vraiment eu l'impression de retrouver un vieil ami. Je vous le conseille, aux jeunes comme aux vieux !

NB: Pour info, je viens d'apprendre qu'il y a une suite, "Dear Enemy", qui raconte les aventures de l'amie de Judy, Sally, en directrice d'orphelinat. J'ignore le titre en français, mais si vous lisez l'anglais, Dear Enemy est disponible en ligne, notamment sur le site du Projet Gutenberg.

31 octobre 2009

L'appel de la lune, de Patricia Briggs


Encore un changement radical dans mes lectures - j'aime varier: cette fois-ci je me suis mise très sérieusement à la bit-lit, malgré un premier essai assez décevant avec Twilight. Pour ceux qui sont aussi ignorants des subtiles abréviations du monde littéraire d'aujourd'hui que je l'étais il y a deux mois, la "bit-lit" c'est la littérature contemporaine consacrée aux histoires de vampires, loups-garous et autres créatures légendaires qui se cachent dans notre monde. Et l'on m'avait dit que la série des "Mercy Thompson" de Patricia Briggs était un incontournable du genre. Un peu méfiante, je me suis donc plongée dans cet univers, quite à vous offrir une critique bien sanglante si l'envie s'en faisait sentir... Eh bien non ! Voyez plutôt...


Résumé:

Mercedes (surnommée Mercy) Thompson est une jeune femme pleine de caractère. Il en faut quand on est mécanicienne et qu'on possède son propre garage à gérer. Il en faut encore plus, quand on est secrètement capable de se transformer en coyote et qu'on a été élevée parmi les loups-garous. Parce que son statut est un peu particulier: grâce à son "pouvoir", elle sait repérer tous les êtres surnaturels qui nous entourent et que les humains ne voient pas - ceux qui, contrairement aux faes de grades inférieurs, ne se sont pas encore dévoilés au grand jour. C'est ainsi que Mercy n'ignore pas que son ancien patron est un gremlin, qu'elle répare le van d'un vampire et que son voisin est l'alpha de la meute de loups-garous locale... Mais elle ne se frotte pas trop aux uns et aux autres et tire assez bien son épingle du jeu. Jusqu'au jour où un jeune loup-garou débarque devant sa porte, affirme qu'il a été transformé de force et qu'il a fait l'objet d'expériences bizarres... Mercy n'a d'autre choix que l'aider, sans savoir que ça va la mener très, très loin.


Mon avis:

Je le dis d'emblée et sans la moindre honte: cette lecture est vraiment rafraîchissante et j'ai passé un bon moment auprès de Mercy. Le petit monde dans lequel elle vit est assez bizarre, plein de personnages légendaires qui répondent largement aux clichés qui leurs correspondent, mais développés de façon relativement cohérente. On apprend ainsi que les loups-garous ont une hiérarchie très poussée, même sous leur forme humaine, que les vampires s'organisent comme une mafia puissante, et que les faes, depuis qu'ils ont dévoilé leur existence, sont obligés de vivre dans des réserves pour se protéger du racisme humain. Prenez une grosse poignée de créatures connues de tous, mélangez-les, jetez-les dans notre monde actuel version petite ville américaine, et vous obtenez un univers qui aurait pu n'être qu'un sacré bordel; mais heureusement, la plume de Patricia Briggs en fait un plateau de jeu en équilibre dont elle nous présente les règles petit à petit, sans forcer, sans trop nous fatiguer les méninges.

Au milieu de tout ceci, le pion principal, c'est Mercy; une femme, d'accord, mais pas le genre jolie héroïne blonde et gnan-gnan, pas le genre guerrière impavide, quelque part entre les deux. L'animal qui la représente, le coyote, lui correspond bien: entre le loup prédateur et sa proie le lapin, elle essaie de rester cachée mais sait se défendre quand on l'attaque. Un bon mélange.

Le style est assez proche de celui de Twilight, celui dont j'ai dit tant de mal il y a quelques articles d'ici: totalement inintéressant. Encore une fois, l'auteur n'a aucune prétention à la grande littérature et ne se fend pas de la plus petite métaphore ou de la moindre subordonnée. Mais contrairement à Twilight où ça m'avait profondément déplu, ici c'est beaucoup moins pesant, pour la simple raison que l'histoire se suffit à elle-même. C'est un thriller; entre les paragraphes où Mercy nous explique en quelques mots les règles de son monde (sans jamais que ça tourne au cours magistral, un exploit en soi) et ceux où l'action se développe souvent assez rapidement, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Patricia Briggs ne joue pas avec son lecteur, elle l'emmène droit où il doit aller, et de temps en temps ça fait du bien de se laisser prendre par la main.

Bref, ce ne sera pas le roman de l'année, mais ça reste une chouette lecture, prenante et délassante à la fois. Je ne manquerai pas de me procurer le tome 2 un de ces jours (il y en a 4 à l'heure actuelle), et je remercie les copines de livraddict de me l'avoir fait découvrir !

27 octobre 2009

Les yeux jaunes des crocodiles, de Katherine Pancol

Voilà un livre que j'ai reçu en cadeau il y a trois ou quatre ans, que j'ai lu puis rangé dans la bibliothèque, et dont je ne me souvenais pas du tout. Lorsque des membres de livraddict ont commencé à en parler, dont beaucoup en termes assez élogieux, je me suis rendue compte avec un peu de honte que j'avais tout oublié de l'intrigue ou du style. Je n'étais pas très fière de moi ! C'est pourquoi je n'ai pas hésité quand je l'ai croisé sur les étagères d'une famille francophone chez qui je fais quelques babysittings; à raison de trois soirées que je lui ai consacrées dès les enfants au lit, j'ai redécouvert ce roman dont il ne me restait dans la tête que quelques bribes d'intrigue.


Résumé:

Depuis qu'Antoine est au chômage, rien ne va plus entre lui et son épouse Joséphine. Lorsqu'ils finissent par se séparer, Antoine part avec sa maîtresse Mylène élever des crocodiles en Afrique, tandis que la timide Joséphine se retrouve seule pour faire face à l'éducation de ses deux filles et aux dettes laissées par son mari. Ce changement de situation l'oblige à sortir de sa carapace d'épouse assistée, et lui permet de jeter un regard nouveau sur les gens qui font partie de son petit monde: sa fille Hortense dont elle n'arrive pas à obtenir le respect; sa mère pour qui elle n'a jamais été assez bien, et qui rend malheureux sa bonne crème de second mari; sa soeur Iris, belle, séduisante, irrésistible, et pourtant si superficielle; Philippe, l'époux de sa soeur, qui cache un bon coeur paternel sous ses costumes d'avocat renommé; Shirley, la voisine et meilleure amie au passé secret... Tout un petit monde de personnalités totalement différentes qui cherchent le bonheur chacun à leur façon.


Mon avis:

Le fait que j'aie lu ce livre de plus de 600 pages en seulement trois soirées prouve bien qu'il m'a plu, ou en tous cas que j'ai bien accroché. Et c'est le cas: au fur et à mesure on a envie de savoir où va l'histoire, ce que vont devenir les personnages, certains auxquels on s'attache et d'autres qu'on déteste cordialement. C'est une lecture agréable, suffisamment prenante, on y plonge facilement.

Par contre, quand l'éditeur écrit que c'est un roman "sur la vie", je me demande un peu qui a une vie comme celle-là. Est-ce que vous connaissez, vous, quelqu'un parti élever des crocodiles en Afrique ? Une femme aussi irrésistiblement belle et aimée qu'Iris ? Une jeune fille de 15 ans avec un tel don pour la mode ? Une agrégée d'histoire capable de sortir un roman au succès inégalé dès son premier essai ? Une femme de banlieue membre cachée d'une famille royale connue ? Tous les personnages, à peu près sans exception, sont des espèces de caricatures dont on sait qu'on ne les rencontrera jamais. Ce qui n'enlève rien au plaisir de la lecture, mais il faut bien admettre qu'il s'agit d'une histoire presque fantastique et non d'un roman sur une vie dans laquelle on est censé se reconnaître.

En réalité, ça m'a réellement fait penser à une pièce de théâtre: les personnages sont un peu exagérés pour qu'on comprenne bien qui sont les gentils et les méchants, leurs déguisements sont très typés pour qu'on les distingue bien, et ils parlent très fort pour bien faire passer le message jusqu'au fond de la salle. Un message un peu naïf: il faut s'attacher aux vraies qualités profondes, les gens superficiels finissent par le regretter, battez-vous dans la vie et ne vous laissez pas marcher sur les pieds... J'ai trouvé un peu désagréables les nombreux paragraphes moralisateurs où Joséphine en particulier ne cesse de répéter ce qui la fait avancer dans la vie, les erreurs et les progrès qu'elle fait. Je n'aime pas particulièrement quand un auteur joue trop visiblement les donneurs de leçons.

Mais voilà, tout ceci n'empêche pas que ce soit une lecture agréable malgré ses défauts. Un bon moment de détente, qui ne m'a pas particulièrement émue, mais dont j'entamerai la suite ("La valse lente des tortues") avec plaisir.

20 octobre 2009

Perdre est une question de méthode, de Santiago Gamboa.


Je pense que dans cette rubrique "mes lectures", je ne vous ai pas encore présenté un vrai roman policier, si ? Il y a bien eu "Coule la Seine", mais c'était un recueil de nouvelles. Il y a eu aussi "Mercy Thompson", mais l'intérêt réside plutôt dans le côté "bit-lit" que le côté "thriller". Alors ça y est, voici enfin un vrai roman noir, un policier un peu bizarre, d'un auteur colombien en plus de ça. Encore une découverte due au pur hasard des partenariats proposés par Livraddict, cette fois-ci en collaboration avec son partenaire les Editions Points.


Résumé:

Victor Silanpa, la quarantaine désabusée, est journaliste criminel à Bogota. Grâce à sa collaboration avec le commissaire Moya, il arrive en même temps que la police sur les lieux d'un crime particulièrement crapuleux: au bord du lac du Sisga, un homme a été empalé et crucifié. Tandis que la police peine à identifier la victime, Silanpa mène de son côté une enquête difficile. Sa vie privée déjà chaotique devient réellement compliquée, et tandis qu'il perd peu à peu la femme qu'il aime, il s'enfonce rapidement dans une histoire dangereuse mêlant de riches entrepreneurs immobiliers sans scrupules, un club de naturisme et une mafia de politiciens et hommes d'affaires véreux.


Mon avis:

Comme d'habitude, je me suis lancée dans cette lecture sans du tout savoir à quoi m'attendre, et comme souvent, il y a du pour et du contre. Dans ce cas-ci, deux gros points positifs, plusieurs petits points négatifs, et quelques points sur lesquels je m'interroge encore.

Pour commencer par le positif, je dois dire que j'ai adoré ce qui fait une des grandes spécificités de ce livre: la plongée dans le monde colombien. Cette histoire se passe entièrement à Bogota et dans ses alentours, elle est écrite par un auteur colombien qui décrit le monde qu'il connaît sans essayer de nous le présenter sous son meilleur jour, sans non plus tomber dans les clichés, et avec lui on se perd dans les petites rues sombres comme si on y habitait. La découverte est parfois lugubre, parfois comique, toujours envoûtante. J'ai adoré plonger dans l'atmosphère d'un pays et d'une ville à l'opposé de ceux que je connais: anarchiques, corrompus, spontanés, violents et accueillants à la fois. Les règles ne sont pas les mêmes, les maffieux se pavanent dans les meilleurs hôtels, les prostituées côtoient le luxe, tout s'achète et tout se négocie, la loi du plus fort est la règle mais les inconnus deviennent amis pour un rien. Ce livre ne donne peut-être pas envie de passer ses vacances à Bogota, mais il en laisse certainement une image précise à l'esprit.

Une autre chose que j'ai beaucoup aimé, ce sont les personnages, surtout ceux qui se rangent du côté du héro. Ils ne tombent pas dans les archétypes du roman policier, sont crédibles et attachants chacun à leur façon. Il y a d'abord Silanpa lui-même: ses hémorroïdes, sa poupée qui lui tient compagnie, sa fidélité pour son ami Guzman, son sale boulot qui lui fait honte, ses tendances alcooliques et surtout ses sentiments si profonds pour Monica en font un héro auquel on peut facilement s'attacher, un mec bien mais bien réel, un sensible dans un monde de brutes. La jeune Quica est touchante de naïveté, elle fait penser à une enfant qui se débrouille comme elle peut dans une vie où elle est née sans atouts. Estupiñan est comique, plein d'entrain, efficace et presque toujours joyeux, un petit souffle frais dans les moments les plus sordides. Ce sont des personnages hors-normes, décrits uniquement par leurs actes et leurs paroles, mais dont on se fait une image assez précise sans cette impression de déjà-vu que je déteste. Une belle réussite. Les méchants sont bien méchants aussi, mais sans exagération, pour la plupart ce sont surtout des arrivistes sans scrupules ou coincés de tous côtés et qui croient que pour l'argent tout est permis, pas de vrais sadiques. Encore une fois, des nuances que j'apprécie dans un roman surtout basé sur l'action.

Parmi les points négatifs, celui qui m'a posé le plus de problèmes c'est la difficulté que j'ai rencontré à distinguer les personnages dans la première moitié du livre, et à discerner leurs rôles. Les noms espagnols m'étant très peu familiers, j'avais tendance à les confondre, surtout quand le même personnage était désigné par son nom ou par son prénom suivant les interlocuteurs. Il a plusieurs fois fallu que je retourne en arrière pour resituer un intervenant. En plus de ça, parmi les méchants, ça a longtemps été le chaos: impossible de savoir qui faisait quoi, qui était en relation avec qui. Leurs conversations étaient sybillines, et toujours présentée sans préciser le nom de l'interlocuteur à qui correspondait telle réplique, ce qui fait que dans les dialogues un peu longs j'étais perdue à tous les coups. On sent le ton aggressif ou supérieur, mais sans savoir qui exactement l'emploie, frustrant ! On sait très vite qu'une histoire de terrains est en cause et que quatre ou cinq personnes sont impliquées, mais on ne comprend rien de plus avant la moitié du livre, malgré de nombreux passages où l'on sent que l'on pourrait glaner des informations.

Au point de vue de l'intrigue, elle est plutôt lente pour un roman policier. Le héro est longtemps perdu, et si nous en savons un peu plus (mais à peine), on se demande pendant la moitié du livre où tout ceci va nous mener. D'autant plus que la victime principale est vite oubliée: de fil en aiguille, on se retrouve au milieu d'un mic-mac immobilier, et ce n'est que tout à la fin qu'on apprend enfin qui a été tué et pourquoi. D'ailleurs les péripéties de cet assassinat rocambolesque sont dévoilées en une fois, brusquement, grâce à des documents retrouvés un peu par hasard. Alors qu'au début du livre on s'attend à un parcours sanglant à la recherche d'un meurtrier sadique, après avoir tourné la dernière page on se rend compte que l'empalé du début n'était qu'un déclencheur pour une intrigue beaucoup plus terre-à-terre. Ca ne m'a pas particulièrement dérangée, mais j'ai quand même été un peu déçue du dénouement.

A partir du chapitre 3, un chapitre de temps en temps est narré par le commissaire Aristophane Moya, qui raconte sa vie en relation avec la gastronomie dans le but d'entrer dans un club qui va l'aider à maigrir grâce à la religion. Mes impressions sur ces chapitres ont varié en cours de lecture. Au début je me suis dit: "mais qu'est-ce que ça vient faire là ?". Ensuite j'ai plutôt apprécié ces petits intermèdes bien racontés, assez humoristiques, qui offraient un peu de fraîcheur dans une histoire autrement assez sordide. Mais au fur et à mesure que j'avançais vers la fin, j'en suis venue à me demander à nouveau quelle était l'utilité de toute cette histoire. La toute dernière partie m'a offert la solution tout en me décevant: le lien qui relie l'intrigue principale avec cette narration secondaire est finalement très ténu, j'aurais préféré que l'auteur trouve un "prétexte" un peu plus solide pour nous raconter la vie et les repas d'Aristophane Moya.

Au niveau du style, j'ai apprécié le côté très vivant, même si ça complique un peu la lecture: les enchaînements sont parfois sous-entendus, les interlocuteurs sont de temps en temps difficiles à discerner. J'ai repéré quelques traductions un peu bizarres, comme "Garde du corps" pour le film "Bodyguard" (présenté sous ce nom en français), ou "les bois" pour parler des montants du goal de football. D'autre part, l'explication du titre du livre est terriblement légère, c'est une citation qui n'a pas grand-chose à voir avec l'histoire, même si on essaie de l'appliquer au personnage principal. Et puis, petit détail, une fois le livre terminé on se rend compte que la quatrième de couverture est bourrée d'erreurs: Silanpa est journaliste avant d'être détective (alors qu'il est écrit l'inverse), on y dit qu'il est aidé de Quica dont il est "sous le charme" alors qu'en réalité c'est Estupiñan qui l'aide dans son enquête et il est sous le charme de Monica... Ca fait beaucoup d'erreurs sur trois phrases.

Au total, je donne peut-être l'impression d'avoir vécu une lecture pénible, mais c'est loin d'être le cas: j'ai passé un assez bon moment. Je n'ai pas vécu ma meilleure expérience de lecture, mais j'ai beaucoup aimé découvrir une plume et une atmosphère vraiment originales, et c'est quelque chose que j'apprécie d'autant plus que j'ai souvent été déçue des romans policiers qui reproduisent sans cesse les mêmes recettes. Au final, je pense que si je croise un autre roman du même auteur, je ne le laisserai pas filer avant de l'avoir lu. C'est bon signe, non ?

Pour finir, un petit passage, peut-être pas vraiment représentatif de l'humeur générale mais qui m'a vraiment fait sourire, coincé entre un viol manqué et une course-poursuite:

Dans la rue, c'était le déluge. Elle arrêta un taxi et lui donna son adresse puis eut un regret et demanda au chauffeur:
- Vous faites des courses en dehors de Bogota ?
- Oui, à condition qu'on me paye le double de ce que marque le compteur plus un forfait parce que je franchis le périmètre urbain, une taxe parce que je m'éloigne des êtres qui me sont chers, et un viatique pour les repas. A quoi il faut ajouter une petite somme pour l'assurance maladie et accident, plus une taxe de risque si c'est une zone de guerrilla ou de paramilitaires.
- C'est près du Sisga.
- Un instant, je regarde. Je crois qu'il y a une épidémie de dengue par là et... il n'y a pas aussi un front des FARC ?

- Je paie ce qu'il faut, mais on y va.
- Je dois vous dire, Madame, que vous aurez à payer la taxe d'éloignement. Le Sisga n'est pas loin mais il faut que je vous prévienne que je suis très famille.

- Je vous ai dit que je paierai ce qu'il faut.

12 octobre 2009

Twilight, tome 1: Fascination, de Stephenie Meyer


Pendant longtemps, j'ai échappé au phénomène de mode créé par la saga Twilight, de Stephenie Meyer. Peu de choses me retenaient de découvrir ces best-sellers, pourtant. A priori la littérature "bit-lit" ne m'attire pas particulièrement, mais pour être honnête je n'en avais jamais lu. Je n'ai pas aimé le film, que j'ai trouvé vraiment très "gnan-gnan", mais beaucoup d'adaptations cinématographiques ne reflètent pas la qualité des oeuvres dont elles sont issues. On en dit souvent que c'est une saga pour adolescentes, mais on disait aussi que Harry Potter était écrit pour les enfants et pourtant j'ai adoré cette série. Je n'avais donc aucune bonne raison pour ne pas découvrir Twilight, et après avoir rencontré de nombreuses lectrices fans inconditionnelles de ces romans sur livraddict, j'ai fini par m'y mettre...


Résumé:

Bella Swan, 17 ans, emménage chez son père Charlie dans la ville de Forks pour laisser sa mère auprès de son nouvel amour. Elle n'attend rien de bon de cette petite ville de province constamment sous la pluie. Pourtant, l'accueil est plus chaleureux qu'elle ne s'imaginait et elle s'y sent bien, surtout après avoir rencontré Edward, un camarade de classe mystérieux à la beauté époustouflante. Bella est littéralement envoûtée et tente de percer le secret d'Edward et de sa famille, de leur peau pâle, de leur beauté irréelle et de leurs attitudes étranges - au risque de sa propre vie.


Mon avis:

Cette saga constitue un véritable phénomène, au même titre qu'Harry Potter. Après avoir lu le premier tome, je peux comprendre ce qui a rendu un nombre incalculable de jeunes lectrices (peut-être lecteurs aussi) fan de cette histoire d'amour impossible. L'intrigue reprend avec succès cet ingrédient attirant de légende dans le présent, de monde caché dans notre monde habituel, tout comme (à nouveau) l'a fait J.K. Rowling. Les vampires ne sont pas tout à fait comme on les imagine, ils ont cette petite touche de modernité qui leur donne un potentiel de réalité. L'intrigue est bien menée dans ce premier tome, simple et sans temps morts, culminant avec un vrai danger. Le côté "gnan-gnan" que je reprochais au film est largement atténué par le fait que le mystère d'Edward et sa relation avec Bella se dévoile de façon bien plus naturelle et progressive que dans la film, où j'ai failli laisser tout tomber pendant leur longue et pénible ballade dans les bois de peur de m'engluer dans la guimauve...

Stephenie Meyer a visiblement des souvenirs très vivaces de sa propre adolescence, car elle décrit les émois de ses personnages de façon particulièrement efficace. Elle réveille le romantisme qui sommeille dans son lecteur en décrivant Edward de façon particulièrement irrésistible, à la fois magnifique, lointain, torturé, mais aussi tendre, passionné, charmeur. Chaque jeune fille a un jour été une Bella en puissance qui malheureusement n'a pas croisé son Edward, mais qui peut enfin vivre une belle histoire d'amour au travers de ces pages. C'est également un ingrédient très puissant dans la fascination suscitée par ce livre.

Mais malgré tout ça, et je m'en excuse d'avance auprès des fans qui je sais vont me lire, j'y vois plusieurs gros défauts. Le premier, le majeur, l'inratable, c'est le style d'écriture. J'ai commencé ce roman en lisant quelques dizaines de pages d'une traduction française empruntée, mais je n'aurais pas pu continuer: ce style si plat rendait ma lecture pénible. On m'a dit que la version originale était bien meilleure, j'ai donc acheté le roman en anglais et l'ai relu depuis le début dans cette langue. C'est à peine mieux, et la petite amélioration tient sans doute au fait que je suis moins exigeante dans cette langue qui n'est pas la mienne. Il faut dire en faveur de cette pauvre Stephenie Meyer que j'ai casé cette lecture entre des nouvelles de Charles Dickens et d'Henry James, deux monstres de la littérature anglophone auprès desquels il est difficile de faire le poids... Mais mon dieu, j'ai mis du temps à m'habituer à ces phrases trop simples, trop classiques, sans couleur, sans la moindre métaphore. Même Dan Brown m'a paru plus agréable à lire. En fin de compte, ce manque de relief devient presque hypnotique, ce qui m'a permis de continuer jusqu'à la dernière page. Mais je regrette amèrement que cette histoire à la première personne manque à la fois de la qualité littéraire d'un roman et de la spontanéité d'un journal intime.

La deuxième critique que je pourrais lui faire tient plutôt à ma propre personnalité, je suppose. Je n'ai tout simplement pas adhéré à l'histoire d'amour racontée là. Edward ne m'a pas du tout séduite, il m'a semblé dès le début arrogant, moqueur, trop sûr de lui; Bella me plaisait au début, jusqu'au moment où elle perde tous ses moyens pour un garçon qui à première vue la déteste et se moque cruellement d'elle. Et puis franchement, s'évanouir parce qu'elle oublie de respirer quand il l'embrasse... J'aurais peut-être beaucoup mieux apprécié à quinze ans, mais dans tous les cas, je n'ai pas l'impression d'avoir jamais été "fleur bleue" à ce point-là.

Enfin, je dois avouer qu'avoir vu le film avant de lire le livre m'est apparu comme un gros handicap. L'adaptation est suffisamment fidèle pour que je sache à l'avance comment l'histoire se développerait, et le manque de surprise est quand même terriblement pesant. En plus, j'avais en tête l'image d'un Edward incarné sous les traits de Robert Pattinson, que je trouve plutôt laid avec ses gros sourcils et son look de beau gosse. Oui oui, je sais que je rame à contre-courant sur ce coup-là, mais comme on dit: des goûts et des couleurs...

Pour une petite analyse à deux sous des thèmes abordés, je dirais que l'analogie avec la sexualité adolescente dans la relation entre Bella et Edward m'a sauté aux yeux à plusieurs endroits. Sans cesse ils se rapprochent, mais pas trop près, parce que le risque est là, l'interdit est tout proche, il en faut pas prendre de risques et rester maître de ses pulsions. J'ai l'impression que l'éducation américaine est très stricte sur ce point-là, car Bella a quand même 17 ans, mais elle ne prendra pas de risques, même si c'est dur pour elle et encore plus dur pour Edward. La similitude avec les pulsions d'Edward en tant que vampire est flagrante.

En résumé, vous vous demandez sûrement: vais-je acheter le tome suivant ? Eh bien, je vais peut-être vous surprendre, mais la réponse est oui. Je voudrais le lire sans l'a-priori du film, ni aucun a-priori d'ailleurs, puisque je n'ai aucune idée de la suite de l'histoire. La partie "amourette" d'Edward et Bella est je l'espère finie, on va rentrer dans une relation plus mûre, et j'ai envie de savoir vers où l'intrigue tendra. Et puis, avouons-le: ces belles couvertures noires donnent bien dans ma bibliothèque ;)

08 octobre 2009

Livraddict

Bon, je sais, je vous en ai déjà parlé - mais abondance de bonnes choses ne nuit pas, me disait ma maman. Alors laissez-moi vous toucher encore deux petits mots à propos du site livraddict de ma copine Jessica et de son Baba à elle. Parce que si vous aimez lire, ce que vous verrez ici va vous plaire...

Il y a tout juste un mois, une amie d'université, Jessica, a donc créé un site web consacré à la lecture et littérature en tous genres: du policier au manga, de la fantasy à la bit-lit, et aussi les bandes dessinées. Son nom est "livraddict", et son adresse: http://www.livraddict.com. Le but est d'échanger autour d'une passion commune, sans prétention et sans contraintes. Le site est encore en phase d'amélioration, mais déjà très fréquenté et plein d'ambition. On y trouve:

- Un forum, où les membres partagent leur avis sur les livres qu'ils ont lu, échangent de bons conseils, jouent à de petits jeux, etc. C'est très convivial et simple d'utilisation. Depuis un mois j'y ai découvert un tas de nouvelles choses à lire, beaucoup de conversations se sont développées, et l'ambiance est vraiment sympa !

- Un blog "public", où n'importe qui peut venir publier une critique de livre occasionnelle sous son propre nom; il suffit d'envoyer à l'équipe du site (dont je fais partie) un e-mail avec sa critique, et on le publie pour vous dans un espace qui vous est dédié.

- Un "book club", où on choisit ensemble un livre par mois; ceux qui décident de participer ont deux mois pour le lire, et on se retrouve un certain jour à une certaine heure pour en discuter "en live" sur le forum. La lecture de novembre sera "Le Cercle Littéraire des Amateurs d'épluchures de patates", de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, et on est en train de choisir celui de décembre qui portera sur le thème de Noël.

- Très récemment, un partenariat avec des éditeurs, qui nous offrent des livres gratuits en échange de critiques (tout à fait libres) à poster en ligne. Nous avons déjà presque quarante livres à offrir chaque mois, et nous cherchons des lecteurs intéressés: quarante livres à écouler, ce n'est pas rien, et avec d'autre partenariats qui sont en cours de négotiations, ça va encore augmenter ! Si vous souhaitez recevoir un livre gratuit à domicile, venez lire les conditions et vous inscrire sur cette page !

- Bientôt, de nouvelles fonctionnalités s'ajouteront à celles-ci, notamment un grand projet très pratique à propos duquel je suis pleine d'enthousiasme... Mais je vous en reparlerai quand il sera réalisé !

Bien évidemment, tout ceci est entièrement gratuit. L'inscription au forum se fait en trente secondes...

Voilà. Si ça ne faisait pas un peu secte, je vous dirais: venez rejoindre notre communauté ! Mais plus sérieusement, si vous aimez lire et partager, venez jeter un oeil sur le site livraddict, je suis sûre que ça peut vous intéresser :)

07 octobre 2009

Coule la Seine, de Fred Vargas

Je suis une grande fan de Fred Vargas, l'archéologue-auteur de romans policiers que j'ai découverte il y a quelques années grâce à un livre offert. J'ai déjà présenté son oeuvre en général sur le forum de livraddict, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de lire tous ses romans. Hier, je suis tombée par hasard sur un recueil de nouvelles policières, à ma connaissance les seules histoires courtes qu'elle ait publié, et je l'ai bien sûr dévoré en deux heures. Quelques mots sur cette découverte récente...


Résumé:

En 120 pages environ, Fred Vargas nous présente trois histoires, de la plus longue à la plus courte: "Salut et Liberté", "La nuit des brutes" et "Cinq francs pièce". On y découvre un vieux tailleur qui s'installe sur le banc public en face du commissariat juste le jour où Adamsberg commence à recevoir les lettres anonymes d'un meurtrier impuni; une Cendrillon qui se noie le soir de Noël; un clochard vendeur d'éponges et témoin d'un meurtre en fourrure... le tout tandis qu'à côté coule la Seine.


Mon avis:

La nouvelle est un genre difficile: il faut, en un nombre limité de pages, dresser un décor, présenter des personnages et développer une intrigue. C'est d'autant plus compliqué quand il s'agit d'histoire policières, qui doivent par définition être chargées de mystère et développer un suspense qui surprenne à la fois le lecteur et les personnages. Et c'est un véritable défi quand, en plus de ça, l'auteur a accroché son public grâce à la profondeur de personnages atypiques, que ce soient les héros (Adamsberg, Danglard) ou les personnages secondaires, lesquels méritent une description poussée.

Pourtant, Vargas s'en sort haut la main. A l'exception peut-être de la première nouvelle, où j'ai trouvé le dénouement un peu brutal, elle ne compromet ni la qualité de ses intrigues, ni le relief de ses personnages. En quelques pages seulement, on apprend à connaître Adamsberg si on ne l'a jamais croisé, ou on redécouvre de nouvelles facettes de sa personnalité brumeuse s'il nous est familier; et on voyage dans la vie et la tête de nouveaux héros passagers, le tailleur ou le clochard. Les mystères sont bien entendu moins complexes que dans les romans, mais Vargas prend le temps de nous laisser savourer son petit monde parisien centré autour de la Seine. J'ai particulièrement aimé la dernière nouvelle, la plus courte, où Adamsberg est vu de l'extérieur, au travers des yeux du témoin. Pour la première fois il mène l'interrogatoire, et en quelques questions et réponses se dessinent sa méthode et son caractère si particuliers. Une façon agréable de le redécouvrir.

La question est: pour ceux qui ne connaissent pas du tout Vargas, ce petit livre très court constitue-t-il une bonne introduction ? Ce n'est pas impossible, car tous les ingrédients de son succès y sont, en condensé. Pourtant, je ne suis pas sûre de le recommander; il manque malgré tout le plaisir des longues intrigues bien ficelées, la petite touche de légende qui parsème la plupart de ses oeuvres, et la découverte en profondeur de ses personnages si typés. Je continue à penser que pour entrer dans le monde de Vargas, la meilleure porte reste "Pars vite et reviens tard". Mais si vous avez déjà fait sa connaissance, alors jetez vous sur ce petit recueil savoureux !