12 juin 2010

Caravanes, de Philippe Frey

Il y a un mois, les éditions JC Lattès offraient, via Livraddict, de découvrir ce documentaire sur le désert écrit par un aventurier français qui en connaît tous les recoins. Je n'aurais jamais songé à m'intéresser par moi-même à un tel sujet, mais la quatrième de couverture avait l'air alléchante, alors je me suis lancée sur les traces de Philippe Frey à travers les étendues du Sahara...


Résumé :

Etant donné qu'il ne s'agit pas d'un roman mais plutôt de la narration d'une passion, je laisse la parole au passionné :

"Durant des milliers de kilomètres parcourus seul dans les déserts, j'en ai beaucoup croisé, de ces caravanes. J'étais frappé par cette vie insoupçonnée qui surgissait subitement au détour d'une dune. Alors que, dans d'autres endroits, on peut ne rencontrer aucune vie humaine pendant près de deux mois !

Les nomades parcourent ces pistes telle une araignée sur sa toile. Quels sont les secrets de ces fabuleux voyageurs ? Comment font-ils pour s'orienter sans montre et sans boussole ? Pourquoi ne perdent-ils pas toutes leurs bêtes, alors qu'il n'y a jamais de pâturages sur ces zones ? Conduisent-ils la nuit, et dans ce cas, comment repèrent-ils leur route ? Comment font-ils pour ne pas se dissoudre sous le soleil de plomb, omniprésent ?

C'est ainsi que j'ai effectué toutes les caravanes du Sahara, du moins les plus grandes et les plus importantes - une dizaine environ -, celles qui vivent encore, celles qui ont été oubliées. Tantôt seul, tantôt avec ces chameliers qui m'ont tout appris.

Le Sahara vit au rythme de ses caravanes immuables et j'ai eu l'indicible honneur de vivre à leurs côtés."


Mon avis :

En guise d'introduction, une petite précision nécessaire : une caravane, ce n'est pas un véhicule, sous la plume de Philippe Frey ; c'est une piste, un tracé ancestral que les nomades empruntent pour aller chercher au travers du Sahara les denrées dont ils ont besoin ou qu'ils vont revendre.

Et Philippe Frey sait de quoi il parle. Depuis son adolescence, il parcourt le désert de long en large tel un vrai nomade. C'est ainsi qu'il a eu l'occasion, sur des dizaines d'années, de parcourir ces caravanes. Certaines étaient devenues légendaires car les puits s'étaient taris et l'auteur a ainsi risqué sa vie pour suivre la piste sans savoir s'il pourra boire et faire boire son chameau. D'autres parcouraient des étendues instables politiquement, avec le risque de croiser des rebelles de tous poils qui ne manqueraient pas de remarquer le nomade blond. Chacune de ces traversées du désert lui a valu ses propres aventures, que ce soit humaines, physiques, anthropologiques.

En ouvrant ce livre, je ne savais rien du Sahara. En le refermant, j'ai l'impression d'y avoir passé des vacances. Si on sent que l'auteur n'est pas un écrivain professionnel, l'absence de style est largement compensé par la passion qui suinte de chaque mot. Philippe Frey a croqué le désert de toutes ses forces, et on ne peut que dévorer avec lui.

Chaque chapitre raconte une nouvelle traversée (présentée sur une carte rudimentaire), dans un nouveau pays, un autre coin du Sahara. L'auteur dépeind à la fois les grands événements de la région et les petites détails de la vie du nomade : comment nourrir son chameau, comment s'assurer qu'il ne s'enfuit pas pendant la nuit, comment se nourrir dans le désert, etc. Et après chaque traversée on s'étonne de trouver autant de diversité dans ces grandes étendues de dune. Au bout de cette lecture, le mot "désert" ne représente plus une grande étendue sans vie mais un énorme terrain d'aventures. On voudrait presque y aller, alors même que les déboires divers de Philippe Frey sont plus effrayants les uns que les autres. C'est dire s'il réussit à nous communiquer sa folie !

Pour terminer, un petit passage anecdotique, comme il y a en beaucoup au fil des pages :
D'autres fois, dans les grands regs sableux, j'ai découvert d'autres petites pierres, rondes et noires celles-là. Autour, souvent, quelques éclats jaunis d'oeufs d'autruches. Cette fois, je connais la réponse de ce nouveau mystère : vivait ici, il y a bien longtemps, outre l'autruche, un vautour charognard, le gypaète barbu. Le seul moyen que le rapace avait trouvé pour casser un oeuf d'autruche à la paroi résistante était de le fêler avec un caillou qu'il était allé chercher parfois très loin. La femelle autruche a beau jouer l'animal blessé pour tenter d'attirer le prédateur vers elle, il percute la coquille, la brise, et se délecte de l'intérieur. Des sièces et des millénaires plus tard, il ne reste que le caillou et des éclats calcaires jaunis.

Un énorme merci aux éditions JC Lattès pour cette belle découverte, que je conseille à tous !


Pour en savoir plus :
- la page bibliomania du livre, avec ses références et les avis d'autres lecteurs ;
- les avis de Nanet et Latite06, toutes les deux enthousiastes.

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