30 novembre 2011

Terre des hommes, d'Antoine de Saint-Exupéry

Après un passage "fantasy" intense, je voulais changer un peu d'univers.  J'ai pris au passage un roman qui traîne dans ma bibliothèque depuis toujours... Et je l'ai dévoré en une journée.


Résumé :

"La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres.  Parce qu'elle nous résiste.  L'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle.  Mais, pour l'atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut un rabot, ou une charrue.  Le paysan, dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu'il dégage est universelle.  De même l'avion, l'outil des lignes aériennes, mêle l'homme à tous les vieux problèmes."


Mon avis :

J'ai choisi comme résumé le tout premier paragraphe du livre parce qu'en effet, il résume bien l'ensemble de cette oeuvre beaucoup plus profonde que ce que ses 182 pages aérées pourraient laisser présager.
On y parle d'avion, et c'est bien l'avion qui est le grand héros de cette histoire.  L'auteur fut un aviateur passionné au moment où l'aviation en était encore à ses débuts et où chaque vol était une aventure risquée.  Sans les outils de navigation modernes, les pilotes naviguaient à l’œil, s'orientaient grâce aux lumières et aux paysages, risquaient sans cesse de se perdre ou d'emboutir une montagne. Inutile de dire que dans un tel environnement, les pilotes et leurs techniciens étaient de véritables aventuriers, des passionnés et des fous. Ils apprenaient avant tout à se poser en catastrophe aux quatre coins du monde et, pour ça, à étudier les moindres détails de cartes pas toujours très fiables.

29 novembre 2011

Top 10 Tuesday : Les livres qui vous ont laissés bouche bée

Ça y est, je me lance !  Ça fait un bout de temps que je voulais me joindre au rendez-vous du mardi de la blogosphère.  Ça a commencé en anglais sur The Broke and the Brookish, ça a été repris en francais par Iani, et ça me tentait depuis un certain temps : le Top Tuesday.  

Petite intro pour ceux qui ne connaissent pas :  il s'agit de faire chaque mardi son top 10 sur un sujet décidé à l'avance.  Cette semaine, il faut nommer dix livres qui vous ont laissés bouche bée (autrement dit, qui vous ont beaucoup surpris). Un sujet délicat puisque je ne veux surtout pas spoiler... Et puis ce n'est pas évident, ce n'est pas quelque chose qui arrive tous les jours. Du coup mon top 10 se transforme en top 8, vous ne m'en voudrez pas, je débute. 

27 novembre 2011

The Alloy of Law, de Brandon Sanderson

Exactement le jour où je terminais la trilogie Fils-des-brumes, de Brandon Sanderson, je recevais dans ma boîte-aux-lettres le nouvel opus de l'auteur, un roman dans le même monde mais situé 300 ans plus tard. Lu dans la foulée, bien sûr !


Résumé :

Trois cents ans après le renversement du Seigneur Maître, le monde de Kelsier, Vin, Sazed et les autres a bien changé. La capitale Elendel est depuis peu éclairée à l'électricité, les voitures commencent à apparaître et les gratte-ciels montent de plus en plus haut. En-dehors des villes, c'est le far-west où une poignée de justiciers essaie de rétablir l'ordre.

Waxillium faisait partie de ceux-là, jusqu'à ce qu'un drame personnel l'encourage à rentrer à Elendel pour prendre possession de son héritage noble. Malheureusement, il a beau essayer de se tenir à l'écart de l'aventure, c'est l'aventure qui vient à lui : une troupe de bandits voleurs de marchandises et kidnappeurs font disparaître des convois de valeur et kidnappent des passagères. Ca, plus l'arrivée de son fidèle adjoint Wayne, et le voilà qui reprend son rôle de justicier pour une affaire particulièrement délicate...


Mon avis :

Je ne suis plus tout à fait sûre où se situe cette aventure dans le monde des Fils-de-sbrumes. Dans ses remerciements (un drôle d'endroit) l'auteur parle de créer trois trilogies dans le monde des Fils-des-brumes, l'une au passé (celle qui existe déjà), une autre dans une époque contemporaine à la nôtre et une troisième dans le futur. Il nous apprend pourtant que "The Alloy of Law" ne tient pas compte de ce schéma et qu'il s'est imposé à l'auteur entre la première et la deuxième trilogie. On s'attend donc à un stand-alone, mais pas du tout : la fin de ce roman nous promet une suite. Tout ceci est bien compliqué !

Quoi qu'il en soit, nous voilà projetés dans le monde de Kelsier, Vin et nos autres héros tel qu'il existe 300 ans après la disparition du Seigneur Maître.  Sous son règne, les techniques et sciences avaient stagné car il interdisait systématiquement tout ce qui pouvait remettre en cause sa toute-puissance. Mais en 300 ans, le monde a eu le temps de rattraper une partie de son retard. On se retrouve donc dans une société qui s'industrialise, où l’électricité fait son apparition, les trains sillonnent la campagne, les gratte-ciels montent de plus en plus haut et où beaucoup d'hommes ne se promènent plus sans leur revolver ou leur carabine.  Bref, nous voilà au Far Ouest.

D'autant plus qu'Elendel, la capitale, est entourée des Roughs, ces espaces de non-droits où la civilisation n'a que peu d'emprise. Les premières scènes du livre ressemblent ainsi à un western tout ce qu'il y a de plus classique : le Shérif, Wax, arme au poing, fouille une ville fantôme à la recherche d'un tueur qui s'y cache.  On entendrait presque Ennio Moricone en fond sonore avec John Wayne dans le rôle principal !  Et tout continue dans le même esprit, avec une série d'aventures pas trop originales dans des décors très convenus.  C'est bien fait et il y a quelques jolies surprises et toute une série de scènes d'actions bien menées, mais voilà, c'est fort classique. Heureusement que, comme on peut s'y attendre, la ferruchimie et l'allomancie y jouent un rôle essentiel qui transcende un peu le côté western et qui ravira les fans des Fils-des-brumes !

Un autre petit regret par rapport à ce tome c'est l'absence de nos héros précédents.  Je ne les espérais pas en personne, bien sûr, mais j'espérais en savoir plus sur la façon dont leur monde s'était relevé de ses cendres et sur la façon dont on se souvenait d'eux.  Finalement, tout au long de l'intrigue, on ne les retrouve que dans les noms de lieux (Elendel, la promenade Demoux...), dans quelques jurons et via des religions qui sont à peine esquissées.  Et on ne retrouve finalement des allusions directes à la trilogie précédente que dans les deux derniers chapitres... mais alors, quelles allusions !  Et quelle frustration ! 

Ceci dit, malgré ces défauts, l'aventure est agréable et se laisse lire avec beaucoup de plaisir. Et puis il y a Wayne pour réveiller tout ca.  Wayne, c'est l'adjoint, le comique, l'imitateur hors pair, celui qui a toujours une réponse amusante et inattendue et qui met de la légèreté dans les situations les plus tendues.  Un gros cliché lui aussi, mais tellement réussi qu'on lui pardonnerait tout ! Brandon Sanderson a un don pour créer des personnages plus vivants que nature et il s'est vraiment donné pour celui-ci, Wayne sort des pages devant nos yeux pour nous faire sourire sans arrêt.  Vous aurez compris, je l'adore !

Bref, voilà un roman sympathique et qu'on lit avec plaisir, basé sur une idée originale (la fusion de la fantasy et du western), mais qui n'est pas tout à fait à la hauteur de ce à quoi Sanderson nous a habitués. On sent bien qu'il s'agissait avant tout d'une nouvelle improvisée et non pas d'un roman mûrement réfléchi comme ceux qu'il nous a offerts jusqu'à présent. Ceci dit, j'attends la suite avec impatience!



Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- l'avis de Lily (Miss Spooky Muffin), assez semblable au mien
- acheter le livre sur Amazon


25 novembre 2011

Le Lézard noir, d'Edogawa Rampo

En voulant trier quelques livres, je me suis dit qu'il serait bon de relire ce court roman dont je ne me souvenais pas grand chose si ce n'est de ne pas l'avoir tellement aimé. Réflexion étonnante en soi, étant un grand admirateur du Japon et de sa littérature, et comptant Edogawa Rampo parmi mes auteurs populaires favoris. Mais l'avais-je lu avec suffisamment d'attention la première fois ?


Résumé :

Cette belle femme nue, couverte de bijoux, qui exécute une danse voluptueuse au milieu d'une foule de fêtards, c'est le Lézard Noir; une cambrioleuse hors pair, rusée comme un diable, effrontée comme le vice, qui prépare un coup fumant et s'apprête à se mesurer au plus célèbre des détectives japonais, Kogorô Akechi. Sa confiance en son plan est telle qu'elle prend des risques inimaginables. Ira-t-elle jusqu'à sous-estimer Akechi, ou au contraire est-ce lui qui commettra la faute de ne pas se méfier assez de son adversaire ?


L'avis de Sanjuro :

En lisant Le Lézard noir, publié en 1934, on a l'impression d'être assis dans une petite salle de cinéma de Tokyo en train de regarder un de ces magnifiques films japonais des années 60 ou 70, eux aussi rusés comme le diable et effrontés comme le vice. Il y a du mystère, des idées folles, des rebondissements à chaque chapitre, l'intrigue est moderne et n'a peur de rien, pas même de se surprendre elle-même. On se délecte et la séance de visionnage de ces cent cinquante pages se déroule aisément en une nuit.

Mais qui dit bon film, ne dit pas forcément bon roman. Il faut bien l'avouer, le style n'est pas bien littéraire et surtout il est très concis, il s'en tient au descriptif, comme dans un scénario de film, et les chapitres se succèdent comme des séquences numérotées. Les personnages n'ont peu ou pas de profondeur, la plupart ne laissent pas connaître leurs pensées, et ils passent comme des acteurs lançant leurs répliques. Peut-être la traductrice a fait perdre un peu de son charme, de sa poésie, aux idéogrammes de l'auteur. Les autres romans d'Edogawa Rampo (il me semble avoir lu tout ce qui a été traduit en français) m'avaient semblé plus réussis de ce point de vue, mais cela fait tellement longtemps que je ne jurerais plus de rien.

En même temps, il ne faut pas se leurrer, c'est un roman populaire et l'action se doit de prendre le pas sur la forme. De ce côté, on est bien servi. L'une des forces ici de Rampo, de son vrai nom Hirai Tarô, est que même si son intrigue est assez prévisible pour le lecteur averti, il y a toujours quelque chose qui lui échappe. Un détail dans le déroulement des événements qui fait que ceux-ci n'ont pas tout à fait lieu comme on s'y attendait. On se dit que l'auteur va suivre tel chemin, céder à tel cliché, et il le fait ! mais voilà, tout ne se passe pas comme prévu. Par exemple, à un moment, l'auteur ose recycler une idée de l'une de ses meilleures nouvelles. On se dit que ce n'est quand même pas très sérieux. Et voilà soudain que l'un des personnages, le détective Akechi, remarque aussi la similitude ! Comme nous, comme les criminels, il a lu la fameuse nouvelle ! Si ça ce n'est pas une idée brillante...

Les grands amateurs de romans policiers, dont je ne fais pas partie, ceux qui ont lu tous les Agatha Christie et forment des sociétés de détectives amateurs, seront peut-être interessés d'apprendre que le roman aborde à plusieurs reprises le problème de la chambre close et s'en sort, à mon humble avis, honorablement. L'intrigue mise aussi beaucoup sur les déguisements, ce qui est un peu difficile à avaler, même si au Japon cela peut sembler moins inimaginable qu'en occident. Mais après tout, si ça passe dans Sherlock Holmes, il n'y a pas de raison que cela coince ici, n'est-ce pas ? On fera quand même remarquer qu'à plusieurs occasions la mystification implique des gens censés bien se connaître.

J'ai relu Le Lézard noir avec beaucoup plus de plaisir que j'en avais eu à le lire la première fois. Sans doute parce qu'il m'était tombé entre les mains durant une mauvaise passe, ou peut-être parce que je m'étais alors trop préoccupé du style. On a des périodes plus littéraires que d'autres. La fin quand même continue de me décevoir; elle méritait un peu plus de développement et surtout des explications plus solides: le coup de théâtre l'emporte sur le bon sens. Edogawa Rampo, ce contemporain de Lovecraft qui a fait aussi dans le genre fantastique, est un auteur hautement distrayant et encore suffisamment moderne pour intéresser tous les types de public. Très connu au Japon, il l'est beaucoup moins ailleurs et on espère que toute son oeuvre sera traduite en français comme une petite partie l'a déjà été. Ah, et puis évidemment, cela ne surprendra personne, Le Lézard noir a été adapté pour le cinéma en 1968 par Kinji Fukasaku, le réalisateur de Battle Royale. Maintenant si j'arrivais à mettre la main dessus...

23 novembre 2011

Fils-des-brumes, tome 3 : Le héros des siècles, de Brandon Sanderson

Vous vous souviendrez sûrement que dans la série Fils-de-brumes, j'avais adoré le tome 1 et j'avais eu du mal à terminer le tome 2. Qu'en est-il du dernier tome de cette trilogie ?

Attention : spoilers concernant le tome 1 et 2 !!!


Résumé :

Au moment où Vin allait l'assassiner, le Seigneur Maître lui a dit "Vous venez de vous condamner". Alors que le Puits de l'Ascension a été ouvert et que la force mystérieuse qui y était prisonnière a été libérée, Vin comprend enfin ce qu'il voulait dire : les brumes tuent une partie de ceux qui s'y aventurent pour la première fois, des tremblements de terre secouent les villes et les cendres engloutissent toute vie. Le seul espoir de mettre fin à ces catastrophes avant que l'humanité ne meure de faim : les informations que le Seigneur Maître a laissées sous la forme d'un jeu de piste qui va d'une ville à l'autre.  Mais elles ne sont pas toutes faciles à conquérir...


Mon avis :

Il n'y a qu'une chose qui soit prévisible chez Brandon Sanderson : le fait qu'il va vous étonner.  Et moi, je ne sais comment aborder cette chronique où je veux vous allécher sans vous gâter aucune surprise !

21 novembre 2011

Adieu l'ami

J'ai appris aujourd'hui une nouvelle aussi triste que surprenante : El Jc, ex-membre de la Team Livraddict, blogueur mais surtout ami, nous a quittés la semaine passée. 

Je n'avais jamais eu la chance de le rencontrer, mais ceux qui fréquentent les communautés internet diverses savent que l'on peut se sentir proche de quelqu'un par écrit.  Pendant un an, nous avons communiqué tous les jours via Livraddict ; nous avons dû faire face en équipe à des tensions et à des difficultés, mais aussi à des moments de joie.  JC, c'était la maturité de l'équipe, le grand coeur aussi, l'amateur de thé et de conquête spatiale, le DJ YouTube des soirs de partés.  Il avait tellement de générosité qu'il prenait plaisir à fouiller ma wish-list pour m'envoyer quelques surprises pour mon anniversaire.  Il a quitté la Team pour pouvoir se consacrer à d'autres activités essentielles qui lui prenaient beaucoup de temps, mais il revenait régulièrement nous rendre visite.  Je songeais justement à la meilleure façon de lui rendre sa gentillesse, et je n'ai pas trouvé à temps.

Même de loin, il va nous manquer, ses chroniques de blog avec enregistrement audio, ses avis de lecture, ses conseils de musique et sa présence le vendredi soir.

J'espère qu'il est allé visiter ces étoiles qui le fascinaient.

20 novembre 2011

Le Rêve, d'Emile Zola

Dans je ne sais plus quel Claudine, Colette, par la voix de son héroïne, nous avoue son mépris pour l'oeuvre d'Émile Zola et sa passion pour celle de Balzac. Eh bien moi, c'est tout l'inverse ! Balzac est trop ancien et manifestement désuet à mon goût, au contraire d'Émile Zola, dont l'honnêteté de l'oeuvre, son réalisme, et les dilemmes humains qui l'inspirent sont eux éternels.



Résumé :

Le jour de Noël 1860, au pied de la cathédrale de Beaumont, une petite fille se meurt de froid sous la neige. Angélique sera secourue par les Hubert, des chasubliers vivant la porte à côté, qui l'élèveront comme leur fille. Grandissant dans l'ombre de la cathédrale, elle nourrira des rêves fantastiques à la lecture de la Légende dorée, tout en peaufinant son art de brodeuse. Le miracle enfin qu'elle attend avec une foi inébranlable se manifestera dans la personne du beau Félicien. Mais jusqu'où lui sera-t-il permis de vivre son rêve ?


L'avis de Sanjuro :

En France, Zola est considéré comme le chef de file du courant littéraire naturaliste, qui succéda à celui des romantiques. Tout le monde a eu à étudier à l'école sa fameuse saga des Rougon-Macquart, vingt romans liés entre eux non pas par un fil narratif mais par des connexions généalogiques et ataviques. L'Assomoir, Nana, Germinal (très populaire dans les années 90 à cause du film), Au bonheur des dames, La Bête humaine, pour ne citer que les plus connus.

Bien qu'il fasse partie des Rougon-Macquart, dont il est le seizième livre, Le Rêve n'a jamais vraiment su s'imposer comme l'un de ces classiques, et il est assez facile de voir pourquoi. Si le style, comme de coutume, est irréprochable, l'histoire est si particulière qu'elle s'intègre décidément très mal au réalisme qui a fait la réputation d'Emile Zola.
On pourrait même dire, avec une pointe d'ironie, que c'est sans doute le plus près d'un récit fantastique que son auteur se soit approché. Mais n'allez pas croire que c'est du Maupassant, tout le fantastique ici se trouve dans le mysticisme religieux et l'atmosphère miraculeuse qui imprègne les protagonistes et semble émaner directement d'Angélique.
D'une certaine manière, tout ou presque semble s'accomplir selon sa volonté.

Là, il y a tout de même deux possibilités d'interpréter les évènements, soit par le fait de l'intervention divine, soit par la puissance naturelle de caractère d'Angélique, magnifiée par sa foi aveugle et ses illusions. C'est peut-être là, au fond, où se situe le réalisme du livre et son véritable thème, le pouvoir de la foi, quels qu'en soient l'objet ou les raisons, tant que celle-ci reste pure. Cette interprétation réaliste est compromise par certains choix comme la séquence du miracle, appelons-la ainsi, avec le fameux "Si Dieu veut, je veux", ou la bénédiction d'Hubertine qui arrive à point nommé. La fin nous rappelle quand même que Zola écrit autre chose que des contes de fées. Il aurait été vraiment intéressant de savoir comment celui-ci défendait ce roman et en particulier comment il justifiait son intégration dans son oeuvre principale.

Le Rêve est en outre l'un des romans de Zola les plus chargés de symbolisme qui soit. Il y a la cathédrale omniprésente et toutes les saintes bien sûr, dont la vie, et les morts surtout, toutes abominables, nous sont décrites par le biais de La Légende d'or, une compilation de textes du Moyen-Âge. Sainte Agnès en particulier, à la fois modèle et patronne, revient souvent. A un moment donné, la narration va même jusqu'à adopter une cadence liturgique. Et cela va plus loin encore, jusque dans les noms: la belle et blonde jeune fille, très croyante, s'appelle Angélique; sa félicité, le jeune homme, ni moins beau, ni moins blond, s'appelle Félicien. Il fallait oser !

C'est un roman agréable à lire, surtout dans ses moments plausibles, qui régalera peut-être les croyants fervents d'actes de foi mais ne convaincra pas les autres. Le réalisme social de Zola s'y écroule ici, à coups de miracles et d'un symbolisme trop lourd pour les frêles épaules de ses deux jeunes protagonistes. L'énergie même de leur passion, sa pureté immaculée, a quelque chose qui sied mieux aux romantiques qu'aux réalistes.

Indirectement cependant, le roman est aussi instructif sur un point. On se rend compte que ce qui unit tous ces saints chrétiens du Moyen-Âge, ceux-là même dont nous tirons nos noms, est, plus que le miracle soi-disant accompagnant leur ascension céleste, l'atrocité de leur mort et une intolérable souffrance. Les horreurs des temps obscurs, épouvantées d'elles-mêmes, se réfugient derrière des images du divin et du merveilleux. Cela trouve écho dans le présent, où les extrémistes de toutes religions promettent à leurs martyrs l'illusion du rêve. Et d'un autre côté, cela contredit les hiérarchies religieuses qui préfèrent élever à la sainteté ceux de leur propre rang.

10 novembre 2011

Le journal intime d'un arbre, de Didier Van Cauwelaert

Ca fait très longtemps que je n'avais plus participé à un partenariat. Je préfère me laisser porter par mes envies. Et ce livre-là en faisait partie !


Résumé : 

Tristan, le poirier de 300 ans d'âge, vient de s'effondrer, victime de la tempête. Mais sa conscience, afûtée par ses liens très forts avec certains humains, continue à vivre au travers de son bois.  Il peut ainsi suivre le destin des êtres pour qui il a compté, tout en revivant son histoire riche et tragique à la fois.


Mon avis :

En voilà une idée saugrenue : faire parler un arbre !  C'est bien du Van Cauwelaert ca, lui qui m'a séduite en faisant l'éducation d'une fée...

Il faut dire que Tristan a bien mérité de nous raconter son histoire, lui qui a traversé l'Histoire avec sa soeur Iseult.  Paradoxalement, son passé se découvre au fur et à mesure que se déroule son avenir. Car là aussi, l'auteur fait preuve d'originalité en commençant l'histoire par ce qu'on pourrait considérer comme la mort de l'arbre, et qui n'est en fait qu'un début. Une partie de son bois, sculpté par une jeune artiste, survit aux années et passe de main en main, comme un talisman, témoin des forces qui font courir les hommes : l'amour, l'art, la passion, la colère.

Il y a donc un perpétuel mouvement d'avant en arrière, des petits drames aux grands destins.  Plus on avance dans le futur, plus on progresse également dans le passé. C'est une des forces du livre, cette variation et cette promenade dans le temps.  Je vous rassure : on ne s'y perd jamais.

C'est bien l'histoire d'un arbre, une voix donnée à la nature - en développant par exemple tous les processus par lesquels Tristan a vaincu les saisons et les prédateurs de toutes sortes, ou en présentant un avenir où la nature régule l'humanité (à ce propos, ne pas oublier de lire la post-face où l'auteur explique ses sources).  La voix de l'arbre a un détachement calculé d'observateur de l'humanité que j'ai trouvé particulièrement réussi, et un talent exquis pour nous plonger sous son écorce.

Mais c'est aussi et surtout la narration d'une série de destins qui se sont suivis, des petits et de gros drames, une sorte de saga dont les protagonistes auraient en commun le fait de s'être tous appuyés contre un même tronc.  Tout ca passe très vite, mais pas trop ; on ne s'attache qu'à l'essentiel et c'est tant mieux. Personnellement, j'ai préféré les narrations des destins passés, plus naturels, que les destins grandioses présentés pour le futur, moins crédibles mais plus surprenants.  Il y a de toutes façons une telle variété que chacun trouvera de quoi être touché.

Voilà donc une belle histoire très originale et en même temps qui ne parle que de nous. Je vous conseille vivement cette aventure, et je remercie chaleureusement les éditions Michel Lafon et Livraddict pour m'avoir permis de la vivre !


Pour en savoir plus :
- la page Bibliomania du livre, avec les chroniques d'autres blogueurs

08 novembre 2011

Comment sait-on si on a l'âme d'un écrivain ?

Voici encore un compte-rendu d'une discussion très intéressante qui a eu lieu vendredi soir sur le forum de Livraddict.  Je me permets de vous le remettre ici car je suis sûre que ce sujet en intéressera certains !

Vendredi dernier a eu lieu notre deuxième rencontre du cycle "L'Aventure de l'édition", en partenariat avec le site Les Agents Littéraires et son administrateur, Vincent Beghin. Au mois d'octobre, la discussion avait porté sur le thème "Comment séduire un petit éditeur ?" (lire le compte-rendu).

Cette fois-ci, nous rencontrions deux auteurs membres de Livraddict, Anne Denier (Reveanne) et Eric Descamps (climber_eric), pour une double discussion sur le thème : Comment sait-on qu’on a vraiment l’ « âme » d’un écrivain ?
Thématiques abordées : Depuis quand écrivez-vous ? Quelles sont vos  motivations ? D’où vous vient ce besoin ? Comment s’organise-t-on quand  on se lance dans un projet d’écriture ? Qu’est-ce qui a fait qu’un jour,  vous avez décidé de vous faire éditer ? Est-ce que le pas a été  difficile à franchir ? Quels obstacles avez-vous rencontré ? Est-ce  difficile de recevoir des avis négatifs sur ce que vous écrivez ? Est-il  facile de passer du 1er roman au second ? Quels conseils donneriez-vous  à quelqu’un qui a toujours eu envie d’écrire un livre, mais qui n’est  jamais arrivé à finir un projet de manuscrit ?

Les questions ont fusé jusqu'à tard dans la soirée, avec chaque fois une double réponse de la part de nos invités.  Nous avons ainsi pu constater que les expériences d'écriture étaient très différentes.

A commencer par le chemin qui les a menés à l'écriture : Eric a commencé l'aventure en partageant sur le net de courtes histoires qui ont recueilli de bons échos, tandis qu'Anne a d'abord tenté de créer des bandes-dessinées et puis s'est rendue compte qu'elle était plus douée pour le scénario que pour le dessin. Mais elle parle surtout de "folie" !

Aux aspirants écrivains, nos deux invités ont prodigué leurs conseils nés de l'expérience.  Eric propose à celui qui est coincé devant sa page blanche de commencer par écrire de courtes histoires et de s'efforcer de rester patient.  Anne conseille de trouver son organisation, sa méthode, et également d'être patient.  En ce qui la concerne, elle rédige toujours un synopsis de l'histoire où "tout est soigneusement réfléchi et structuré" avant de commencer l'écriture a proprement parler, tandis qu'Eric, lui, se laisse porter entre une idée de départ et une idée d'arriver. Chacun sa technique !

Anne a impressionné les participants à la discussion en exposant son plan de correction très élaboré en trois phases et plusieurs points. Eric a également toute une armée de correcteurs, auprès desquels il partage le travail : certains s'attaquent à l'aspect scénaristique, d'autres aux coquilles, et d'autres encore à l'impression générale que dégage le roman. Il nous ont aussi avoué tous les deux relire leur texte à haute voix afin de "poser le texte".  Pour ceux qui cherchent des bêta-lecteurs, outre la famille et les proches, Eric conseille de proposer son texte aux éditeurs pour en obtenir des retours sur les améliorations à faire, et Anne propose quelques services en ligne et sites webs où ce genre de "coup de main" est échangé.

Anne nous a avoué détester la phase de correction : "on ne crée rien et je trouve mon texte parfaitement immonde".  Ses phases préférées dans l'écriture sont la phase de construction, "quand on laisse le cerveau divaguer", et le moment où elle tient en main le manuscrit fini. Pour Eric, par contre, le plaisir est omniprésent de bout en bout !

Tous les deux nous ont affirmé qu'ils adoraient le tout début de l'écriture, le moment où s'écrit la toute première phrase, qui est même "un moment d'euphorie" pour Anne. Eric commence par énoncer quelque chose à voix haute ou se remémore une petite phrase d'intro d'un auteur pour trouver sa propre inspiration. En ce qui concerne la toute dernière ligne, Eric nous dit qu'il y garde le meilleur, le pan de l'histoire le plus étrange. Anne le vit comme une véritable délivrance après le stress de l'écriture.

Une autre question posée à nos invités concerne directement les blogueurs : comment réagissent-ils aux critiques ?  Eric les prend très sainement, sans que les critiques négatives ne le touchent tandis que les positives le rendent heureux. Anne, qui prend son texte tellement à cœur et n'est jamais satisfaite du résultat final, se prend les critiques "en pleine face", qu'elles soient bonnes ou non.

Nos deux auteurs sont également de grands lecteurs, même si Eric avoue avoir moins de temps pour lire en phase d'écriture. Et tous deux profitent des vacances pour écrire à temps plein, ce que leur vie professionnelle leur interdit le reste de l'année.  Ils nous avouent en chœur que le processus d'écriture ne devient pas plus facile au fil des romans, parce qu'Eric a fortement changé de style entre le premier et le deuxième, et parce qu'Anne devient de plus en plus exigeante envers elle-même.  Tous deux développent les personnages conjointement à l'intrigue car l'un et l'autre sont également importants.

Voici, en résumé, ce que nous ont appris nos deux invités.  L'ensemble de la discussion se trouve sur le forum. Vous pouvez également découvrir leurs œuvres sur Bibliomania. Un grand merci à eux pour avoir pris le temps de répondre à nos questions, et aux participants pour avoir fait vivre cette discussion !

04 novembre 2011

Tales of terror, book 1 : Uncle Montague's tales of terror de Chris Priestley

Ca vous dit, une petite lecture d'Halloween en retard ? 


Résumé : 
L'oncle d'Edgar habite une maison au-delà des bois.  Quand il le traverse, Edgar est certain que les enfants du village l'observent entre les arbres, mais il a décidé de ne pas montrer sa peur.  
Un jour, l'oncle d'Edgar le passionne avec une série de contes à faire glacer le sang, et il semble posséder la preuve que chacune de ces histoires a réellement eu lieu : une petite poupée, un cadre doré, un vieux téléscope en cuivre... Comment l'Oncle Montague a-t-il pu obtenir une telle collection d'objets maudits ? 
Mais ce n'est pas le moment de poser des questions : Edgar doit rentrer chez lui traversant le bois avant qu'il fasse noir.  A moins que... les réponses ne se trouvent sur son chemin ?


Mon avis :

Il y a des soirs ou on voudrait bien que Maman vienne s'asseoir au bord du lit et nous raconte une histoire. "S'il te plaît maman, une histoire qui fait peur !" Pas trop bien sûr, juste assez pour que les yeux s'écarquillent et qu'on serre la couette un peu plus fort, mais il ne faudrait pas faire des cauchemars !

Si Maman n'est pas disponible ou si elle manque d'imagination, adressez-vous à l'Oncle Montague ! C'est un bien gentil monsieur un peu excentrique qui vit dans une maison très sombre, de l'autre côté du bois qui bruisse de pas d'enfants. Son neveu Edgar vous montrera le chemin. L'Oncle a tout un tas d'histoires courtes et mystérieuses à vous raconter, si joliment ancrées dans la réalité qu'on s'étonne toujours un peu d'y voir apparaître du surnaturel. D'ailleurs, l'Oncle a toujours un objet mystérieux à vous montrer pour les faire paraître encore plus réelles.  Et finalement, l'Oncle Montague ne serait-il pas lui-même l'objet d'un conte ?  Il est tellement bizarre, et il a l'air de savoir tellement de choses !

Bien sûr, pour apprécier pleinement ces moments de frisson il faut avoir gardé son âme d'enfant, la naïveté nécessaire pour ne pas deviner certains épilogues plutôt prévisibles et pour trembler aux côtés d'Edgar quand il se rend aux toilettes dans le noir. Il ne faut pas non plus chercher à se faire vraiment peur car ces histoires feront trembler les enfants mais sourire les adultes. Ceci dit, quel plaisir de lire de jolis contes fantastiques avant de s'endormir !


Pour en savoir plus :
- la chronique de ma co-lectrice Miss Spooky Muffin qui les a trouvés carrément plus effrayants que moi et qui en parle beaucoup mieux que moi !

01 novembre 2011

Fils-des-Brumes, tome 2 : Le Puits de l’Ascension, de Brandon Sanderson

Il y a des livres qui promettent et pourtant qui passent des mois à traîner sur une étagère.  Celui-là, sachant que j'avais adoré le premier tome de Fils-des-brumes, je me le gardais pour un grand moment.  A-t-il été à la hauteur ? 

Attention : spoilers concernant le premier tome de Fils-des-Brumes !!!  Difficile de parler de cette suite sans mentionner les événements passés.


Résumé :

Kelsier a réussi son dernier coup : il laisse à ses amis un monde débarrassé du Seigneur Maître.  Un monde complètement sens-dessus-dessous, surtout.  Un an plus tard, Elend, avec Vin comme garde du corps, joue les dirigeants éclairés et transforme à grand-peine la Dominance du Nord en démocratie.  Mais il manque d'autorité et a du mal à faire régner l'ordre à Luthadel.  En plus de ça, la ville désorganisée est assaillie par non pas une, non pas deux, mais trois armées différentes !   La révolution pourra-t-elle survivre ?


Mon avis :

Mon dieu, quelle histoire, encore !  Sanderson a ce talent de jouer avec nos pieds d'une couverture à l'autre.  Comme d'habitude, les rebondissement pleuvent, ce qu'on croyait acquis est soudain perdu et ce qu'on croit perdu se gagne au dernier moment.  Les détails prennent soudain une importance insoupçonnée, les preuves qu'on croit concluantes trouvent une toute autre interprétation.  Et j'ai beau m'y attendre, il m'a à chaque fois !

Et puis l'idée en soi est sympathique : que se passe-t-il une fois que les gentils ont gagné ?  Parce que c'est bien beau, réaliser l'impossible, renverser le tyran sanguinaire, mais après, il faut gérer.  Et ça, c'est peut-être la partie la plus difficile à jouer, au fond, avec tout à perdre et rien à gagner. 

Le problème c'est que je pense qu'à un moment, à force de nous tenir en haleine, l'auteur peut fatiguer le lecteur. D'une certaine façon, Mr Sanderson m'a fait tourner en bourrique au point qu'il m'a fallu deux mois pour terminer son livre.  J'étais exaspérée.

D'abord, ce qui m'a dérangée, c'est le comportement de Vin.  Sa relation avec Elend, par exemple.  Ils s'aiment ces deux-là, mais qu'est-ce que c'est compliqué !  Je doute, je ne doute plus, je suis là, je m'en vais, je me pose des questions, est-ce que je t'aime vraiment, est-ce que tu m'aimes vraiment...  Et puis la propension de Vin à suivre des instincts vagues que j'ai eu du mal à comprendre, elle pourtant si rationnelle avant.  Bref, Vin m'a tapé sur les nerfs, et c'est un peu embêtant pour un personnage principal.

J'aime beaucoup la façon qu'à l'auteur d'aborder les personnages, pourtant ; j'ai beaucoup apprécié l'évolution des sentiments entre Vin et le Kandra, l'introspection de Sazed (un personnage que l'auteur adore visiblement et à qui il a donné cette fois-ci une place et une profondeur méritées), la découverte de Breeze, Clubs et même Spook, et deux ou trois nouveaux personnages que je vous laisse découvrir.  Il laisse Dockson de côté par contre, ce qui est un peu dommage.  Mais autant j'ai apprécié un peu d'introspection chez ces gens-là, autant l'histoire entre Vin et Elend m'a vite fatiguée. 

Ensuite, même si on m'avait prévenue que l'histoire était maintenant plus politique qu'aventureuse, le long statu quo vers les 2/3 du livre m'a impatientée au point que j'arrête la lecture pendant un long moment.  J'ai eu l'impression d'attendre avec les personnages un dénouement désespéré qui ne venait pas.  La situation empire à chaque page et à la fin, je n'en pouvais plus d'attendre à quelle sauce mes héros allaient être mangés.  C'est d'un frustrant insoutenable !  J'ai donc dû prendre un peu de recul pour pouvoir continuer ma lecture. 

Bref, ce second tome est de qualité mais est loin d'accéder aux sommets où je place le premier, et je pourrais facilement l'amputer de quelques dizaines de pages pour le rendre parfaitement à mon goût.  Par contre, si vous croyez que je ne le conseille pas et que je ne vais pas me jeter sur la troisième partie, vous vous trompez lourdement !  D'autant plus que bien évidemment la fin ne résout rien, et qu'une nouvelle suite doit sortir en novembre. J'espère juste retrouver le ton positif du premier, et ces passages où j'en oublie de respirer sous le coup du suspense. Je l'ai déjà pré-commandée, c'est tout dire ! 



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