Voilà un roman de science-fiction tout à fait classique et qui m'a pourtant prise complètement par surprise !
En 2000, les Terriens sont capables d'atteindre Mars. Expédition après expédition, ils ont bien l'intention de s'installer sur la planète, malgré les Martiens aux yeux dorés qui ne sont pas prêts à les accueillir. Et la conquête de cette nouvelle colonie sera loin, très loin d'être facile...
Mon avis :
Je vous ai déjà parlé de ma mauvaise mémoire je pense, non ? La plupart des livres dans ma Pile A Lire ou dans ma wishlist, je n'ai qu'une vague idée de leur contenu. C'était le cas de ces chroniques martiennes : je savais qu'il s'agissait d'un classique de la science-fiction, et j'avais une vague idée qu'il s'agissait d'un recueil de nouvelles, mais j'ignorais tout du contenu en-dehors de ça.
Résultat : la surprise. D'abord, ce n'est pas un recueil de nouvelles, c'est une série de chroniques classées par ordre chronologique et qui racontent, par petits bouts, l'histoire de la conquête de Mars. Ce ne sont pas des nouvelles indépendantes, elles font souvent référence les unes aux autres et certains personnages reviennent dans plusieurs histoires. L'aspect linéaire est d'ailleurs accentué par le titre des histoires individuelles, qui commencent tous par un mois et une année. Mais c'est vrai que ce n'est pas réellement une histoire continue, plutôt les différents chapitres d'une même histoire vus sous différents angles. Je ne m'attendais pas à ça, mais j'en suis plutôt contente, j'aime beaucoup cette forme de narration qui nous permet d'entrevoir l'histoire générale tout en gardant le réalisme humain que nous permet la proximité avec des personnages individuels.
Ensuite, je m'attendais à de la science-fiction pure, des navettes spatiales, des voyages dans l'espace, des navigateurs très compétents, du futurisme, éventuellement quelques batailles entre Terriens et Martiens... Et en fait, cette histoire a plutôt un petit goût désuet ! Etrange, quand on parle de conquête spatiale, mais c'est bien de cela qu'il s'agit. Ce roman a été publié pour la première fois en 1950 et l'auteur n'a pas réellement essayé de prédire l'avenir comme un auteur de science-fiction classique, il s'est contenté de transposer le monde de son époque, à quelques détails prêts, dans les années 2000. Par exemple, il parle de "rockets", de fusées, au lieu de navettes spatiales ; il reproduit presque intégralement la ségrégation raciale et la position d'infériorité des noirs telle qu'il les connaissait dans les années 50 ; il place la femme au foyer et l'homme au boulot ; bref, il parle de façon générale d'une société humaine qui nous paraît, aujourd'hui, un poil rétro.
Mais il est clair que Ray Bradbury n'a pas tenté de faire une oeuvre de science-fiction, il a plutôt utilisé la conquête de Mars comme métaphore des excès de l'homme moderne replacé dans la position de son ancêtre colonisateur. C'est d'ailleurs un récit très américain, et on l'imagine facilement transposé dans le contexte de la conquête de l'ouest (jusqu'à un certain point). On croise bien les Martiens, mais si peu qu'on a à peine le temps de les entrevoir, et leur style de vie est très ressemblant à celui des Terriens. Ce qui compte, c'est le Terrien, celui qui s'installe avec armes et bagages et prend possession d'une terre qui ne lui appartient pas.
Chaque histoire est donc une sorte de parabole, avec toute la poésie que Ray Bradbury a déjà su mettre dans Fahrenheit 451. Chaque histoire a sa propre morale, chacune donne à réfléchir à sa façon, même si quelques-unes semblent a priori écrite pour nous surprendre avant tout. Cette conquête martienne n'a absolument rien de crédible, mais c'est tellement secondaire que ça n'a aucune importance. Le ton varie entre l'humour et la mélancolie, entre les humains qui sont parfois vraiment terriblement idiots et les décors extraordinaires de villes martiennes grandioses au bord de mers de sable... Voilà un univers dans lequel on entre sans y penser et qui ne nous quitte pas avant la dernière page tournée.
Voilà, ça fait deux fois que Mr Bradbury me prend par surprise, et deux fois qu'il me charme. Un plaisir que je vous recommande chaudement.
Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- acheter le livre sur Amazon
- la belle chronique de Lelf, qui rejoint la mienne sur certains points
Etant donné que je travaille beaucoup autour de la science fiction dans mes études, je suis toujours contente de lire ce genre d'article ! Merci à toi, donc ! :)
RépondreSupprimerDe rien, merci pour ce commentaire ultra-rapide :)
RépondreSupprimerJ'ai vraiment beaucoup aimé Fahrenheit 451, il faut vraiment que je découvre d'autres oeuvres de cet écrivain. Les propos de celui m'intriguent beaucoup.
RépondreSupprimerSi tu as aimé Fahrenheit 451, il y a beaucoup de chances que tu aimes aussi celui-ci. Le décor est différent et l'histoire est divisée en petites "nouvelles" mais pour le reste, c'est la même atmosphère et la même plume. N'hésite pas à le lire :)
RépondreSupprimerTu en parles vraiment très bien. J'avais à peu près les mêmes attentes que toi quant à ce que je trouverais dans ce roman et j'ai été tout aussi surprise par l'ambiance rétro et la chronologie.
RépondreSupprimerJe ne me souvenais d'ailleurs pas que c'était supposé se passer dans les années 2000, finalement l'atmosphère a eu raison de moi et j'étais persuadée que l'arrivée sur Mars se déroulait à l'époque de l'écriture.
J'avais noté pour la place de la femme, mais pas pour la ségrégation... Tu me donnes envie de me replonger dedans !
Pas encore lu Fahrenheit 451 en revanche.
Concernant la ségrégation, il y a un chapitre spécifiquement là-dessus, avec les noirs qui se préparent à partir sur la colonie et un blanc en particulier qui se comporte comme un bon gros raciste cruel. Ce n'est pas une tendance mineure au travers de plusieurs histoires, on n'en parle que dans celle-là. Pour le reste, je suis vraiment contente de ne pas avoir été la seule à être surprise :)
RépondreSupprimerÇa doit être pour ça que ça ne m'a pas marquée, si ça avait été constant et présenté comme quelque chose de naturel comme si Bradbury soutenait ce type de comportement, je m'en serais souvenue. Je peux te demander quelle nouvelle c'était, histoire de refeuilleter ? :)
RépondreSupprimerC'est "Juin 2003 : A travers les airs" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Chroniques_martiennes#Juin_2003_:_.C3.80_travers_les_airs) Ceci dit, en regardant la liste des nouvelles sur Wikipédia, je me rends compte qu'il y en a certaines qui ne figuraient pas dans mon édition, c'est plutôt ennuyeux... C'est peut-être ce qui t'est arrivé à toi aussi ?
RépondreSupprimerJe ne l'ai pas sous la main, je l'avais emprunté en bibliothèque. Mais mon copain l'a acheté depuis, du coup je comparerai ça quand j'irai chez lui. Je te dirai ce qu'il en est ;)
RépondreSupprimerJe suis perplexe devant ta chronique ... je n'arrive pas à me décider si ça me tente ou non. Ce que tu décris me parais intéressant mais de l'autre, je trouve dommage qu'il manque des éléments auxquels on s'attend quand on parle de conquête de Mars ...
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