05 octobre 2013

Un monde idéal où c'est la fin, de J. Heska


Pour la rentrée (tardive) de ce blog, on se lance avec un recueil de micro-nouvelles très particulier...


Résumé :

Que se passerait-il si la magie remplaçait la physique ? Si la spéculation économique était interdite ? Si les femmes prenaient le pouvoir ? A quoi le monde ressemblerait-il si les règles de survie respectaient celles des films hollywoodiens ? Si les morts harcelaient les vivants ? Si l'écologie devenait vraiment la priorité ? Dans une longue série de très courtes nouvelles, J. Heska nous décrit des mondes où une "petite" chose à changé et fait toute la différence.


Mon avis :

J. Heska, voilà un auteur que je connais bien ; j'ai déjà chroniqué "Pourquoi les gentils ne se feront plus avoir" et "On ne peut pas lutter contre le système". Mais je l'avais déjà croisé encore plus tôt, lorsque je suivais assidûment son blog où il publiait avant tout de micro-nouvelles... intitulées "Un monde idéal où...". Ces toutes petites histoires construites sur le même modèle m'avaient déjà séduites tout autant que les romans qui ont suivi. Alors bien entendu, j'avais la ferme de lire le roman qu'il a pu en tirer.

Ce livre est donc un recueil de petites intrigues très courtes, très nombreuses et très différentes les unes des autres, mais c'est loin d'être un ensemble hétéroclite. D'abord, toutes les histoires (sauf quelques-unes encore plus courtes, rassemblées en mini-recueils) sont construites sur le même modèle : un titre commençant par "Un monde où...", qui nous présente dès le départ la spécificité du monde en question, soit clairement, soit sous forme d'énigme, soit carrément sur un ton ironique qui reflète exactement le contraire du contenu de l'histoire. Comme on ne sait pas de laquelle de ces hypothèses il s'agit, le titre fournit une information qui paradoxalement ajoute au mystère et nous oblige à continuer la lecture pour en savoir plus. Commencer l'intrigue avec un cliffhanger dès le titre, c'est carrément génial. 

Ensuite, il y a une, deux, maximum trois pages qui tout en une fois présentent un univers, ses personnages, et déroule un petit bout d'aventure. S'il est possible de faire aussi compact, c'est parce que le monde en question reflète le monde réel sauf sur un seul point, toujours crucial, mais dont on saisit vite les implications. Ces "micro-nouvelles", comme l'auteur lui-même les appelle, peuvent donc se dévorer en deux ou trois minutes, entre deux arrêts de métro, le temps d'une mini-pause, etc. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces toutes petites histoires ne sont pas frustrantes par leur manque de développement ; au contraire, j'ai beaucoup apprécié de pouvoir laisser à ma propre imagination le soin d'extrapoler à partir du monde créé. Elles se terminent très souvent sur une phrase-choc qui permet soit d'éclairer un contexte déguisé, soit d'offrir une sorte de morale finale souvent tout à fait loufoque, comme les exemples suivants :

Il n'y a décidément rien de plus beau que l'explosion de bombes nucléaires.

...quoi qu'on puisse en dire, les femmes étaient aussi connes que les hommes.

Enfin, assez bizarrement, toutes ces histoires s'assemblent en une collection liée par le cynisme constant : les premières fois, on se demande si l'auteur tente de nous faire passer un message, surtout quand il s'attarde sur certains thèmes un peu "chauds" (écologie, égalité des sexes, mariage homosexuel, etc); mais à force d'exagérations et de phrases visiblement exagérées, on apprend à ne plus rien prendre au sérieux. Visiblement il ne s'agit pas ici de nous faire réfléchir, mais plutôt d'imaginer les conséquences absurdes de situations actuelles tirées jusqu'au bout de leur logique.

Un autre trait d'union entre ces petites histoires c'est la récurrence de certains univers qui se développent au gré de l'une ou l'autre micro-nouvelles éparpillées dans le recueil.

Niveau style, l'accent est surtout mis sur l'efficacité de la narration, mais on retrouve de très nombreuses références, notamment cinématographiques, qui feront sûrement plaisir à l'amateur éclairé.

J'ai bien conscience que cette chronique est très mystérieuse à force de ne pas assez en dire, mais je ne voudrais surtout pas vous gâcher la surprise, car ce roman est surtout impressionnant d'originalité.  Quelques extraits cependant pour vous mettre l'eau à la bouche :

Lorsque le Parlement vota la loi accordant les mêmes droits au couples gays et lesbiens qu'aux couples hétérosexuels, il ignorait qu'il venait de semer les germes de la destruction sociale. 
Lorsque les extra-terrestres nous ont envahis, les forces armées internationales se sont aussitôt mobilisées. "Sous quel mandat intervenez-vous ?" lancèrent les administrations. Des débats passionnés s'engagèrent sur le pilotage de la contre-attaque : ONU, OTAN, ensemble des Etats sous gouvernance ?
Et pendant e temps, la planète fut ravagée.
Après le réchauffement climatique, l'irradiation, les mutations génétiques, la pandémie mondiale, l'astéroïde et l'invasion extra-terrestre, nous croyions en avoir définitivement terminé. Puis, quand les premiers zombies sont apparus et ont commencé à nous attaquer, nous nous sommes dit, quand même, qu'on n'avait pas de bol.
En résumé : à lire absolument, ne serait-ce que pour pouvoir tous se demander en coeur où cet auteur trouve-t-il toutes ses idées ?


Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- l'avis d'Helran, qui contrairement à moi a été dérangée par la taille des nouvelles, celui de Tessa, qui a été choquée par le sujet de l'une des nouvelles, et celui d'Aveline, qui a adoré et a repéré quelques-unes des références à la littérature ou au cinéma.

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