Encore un peu de science-fiction, messieurs-dames ? Je vous l'offre autour d'un thé à la chinoise, à bord d'un vaisseau sentient, en compagnie d'un Sherlock Holmes du futur...
Résumé :
Dans un futur lointain où les hommes habitent dans des habitats spatiaux dispersés, The Shadow's Child (L'Enfant de l'Ombre) est un vaisseau sentient, l'incarnation sous forme de machine d'un esprit humain. The Shadow's Child, traumatisée par une attaque où tout son équipage a été massacré, refuse de s'aventurer dans l'espace intersidéral et est contrainte de survivre sans quitter son port d'attache en vendant des infusions qui altèrent subtilement les facultés mentales à la demande de ses clients. Un jour, une nouvelle cliente mystérieuse et arrogante lui demande de l'aider à récupérer les corps de victimes d'accidents spatiaux pour mener des expériences. Mais cette mission simple entrainera vite The Shadow's Child dans une enquête criminelle qui l'obligera à faire face à ses peurs...
Mon avis :
Je ne sais plus comment je me suis retrouvée à suivre l'autrice franco-américaine Aliette de Bodard sur twitter, mais quand elle a mentionné sa dernière novella publiée, son résumé a tout de suite attiré mon attention : "Sherlock Holmes dans un empire galactique d'inspiration vietnamienne, où Holmes est un savant excentrique et Watson un vaisseau militaire sentient et bougon." J'aime beaucoup la SF (y-compris le space opera), j'adore les aventures de Sherlock Holmes, et j'apprécie toujours une bonne réécriture dans son univers... Mais là, le niveau d'originalité était plus que prometteur !
Je vous le dis tout de suite : je n'ai pas été décue. Dépaysement guaranti sur tous les fronts. Pour le cadre : une société très futuriste, où les transports se font via des vaisseaux sentients, construits autour d'une véritable âme (esprit ? identité ?) humaine, qui donc pensent, ressentent et ont la même individualité que les humains. Les avancées techniques se remarquent aussi via un haut degré de virtualisation : les pièces d'habitation sont remplies d'hologrammes d'objets, les vaisseaux sentients se projettent en image pour communiquer n'importe où et avec n'importe qui. Pour l'ambiance : on est dans une société dominée par la culture asiatique, où les lieux et les choses ont des noms poétiques ("Scattered Pearls Belt", "Shadow's Child",...) et la cérémonie du thé a pris une toute nouvelle dimension. Pour les personnages : un Sherlock Holmes dans la peau d'une femme vietnamienne au passé mystérieux, ce qui ne l'empêche absolument pas d'être très reconnaissable ; et un Watson (apparemment féminin, mais c'est peut-être parce qu'en anglais un navire est toujours féminin grammaticallement) qui a pris la forme d'un vaisseau spatial spécialiste en potions délicates, peut-être un peu plus appauvri, mélancolique, méfiant et traumatisé par la guerre que dans sa version originale.
Ca fait donc beaucoup de nouveauté, et pourtant, on glisse dans ce monde sans le moindre effort. La narration est belle et efficace. L'autrice ne prend pas la peine de faire les présentations, elle nous offre son monde sans explications et malgré les multiples facteurs de dépaysement, on s'y retrouve facilement. Savoir présenter un univers entièrement neuf et très différent du nôtre sans passer par de longs détours didactiques et sans perdre le lecteur, c'est un vrai talent.
En ce qui concerne l'intrigue en elle-même, nous avons une enquête qui est forcément relativement simple, étant donnée le format court et plusieurs aspects que l'on explore en parallèle : le passé et la situation de Shadow's Child, l'identité et le passé de sa nouvelle cliente. L'esprit brillant de l'enquêtrice est moins mis en avant que celui du Sherlock original, mais son arrogance est bien là, ainsi que sa personnalité surprenante, mi-insultante et mi-attentive. C'est pourtant l'aspect qui m'a laissé un petit goût de trop peu : j'aurais voulu une enquête plus alambiquée, un mystère qui se dénoue moins facilement, et aussi plus de réponses concernant le passé de Shadow's Child et l'avenir du duo. La fin laisse espérer une collaboration sur le long terme, mais rien n'indique que l'autrice a prévu d'en faire le début d'une série. D'un autre côté, ca fait toujours plaisir, un récit de science-fiction débordant d'originalité mais présenté dans un format qui se dévore en quelques heures. Ca permet un peu de délassement et de découverte sans un engagement dans la durée, et ca oblige l'auteur ou l'autrice à démontrer son talent dans la concision. A ce jeu-là, Aliette de Bodard m'a entièrement convaincue.
Pour en savoir plus :
Il me fait sacrément envie celui ci, je crois que je vais tenter bientôt =)
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