25 novembre 2011

Le Lézard noir, d'Edogawa Rampo

En voulant trier quelques livres, je me suis dit qu'il serait bon de relire ce court roman dont je ne me souvenais pas grand chose si ce n'est de ne pas l'avoir tellement aimé. Réflexion étonnante en soi, étant un grand admirateur du Japon et de sa littérature, et comptant Edogawa Rampo parmi mes auteurs populaires favoris. Mais l'avais-je lu avec suffisamment d'attention la première fois ?


Résumé :

Cette belle femme nue, couverte de bijoux, qui exécute une danse voluptueuse au milieu d'une foule de fêtards, c'est le Lézard Noir; une cambrioleuse hors pair, rusée comme un diable, effrontée comme le vice, qui prépare un coup fumant et s'apprête à se mesurer au plus célèbre des détectives japonais, Kogorô Akechi. Sa confiance en son plan est telle qu'elle prend des risques inimaginables. Ira-t-elle jusqu'à sous-estimer Akechi, ou au contraire est-ce lui qui commettra la faute de ne pas se méfier assez de son adversaire ?


L'avis de Sanjuro :

En lisant Le Lézard noir, publié en 1934, on a l'impression d'être assis dans une petite salle de cinéma de Tokyo en train de regarder un de ces magnifiques films japonais des années 60 ou 70, eux aussi rusés comme le diable et effrontés comme le vice. Il y a du mystère, des idées folles, des rebondissements à chaque chapitre, l'intrigue est moderne et n'a peur de rien, pas même de se surprendre elle-même. On se délecte et la séance de visionnage de ces cent cinquante pages se déroule aisément en une nuit.

Mais qui dit bon film, ne dit pas forcément bon roman. Il faut bien l'avouer, le style n'est pas bien littéraire et surtout il est très concis, il s'en tient au descriptif, comme dans un scénario de film, et les chapitres se succèdent comme des séquences numérotées. Les personnages n'ont peu ou pas de profondeur, la plupart ne laissent pas connaître leurs pensées, et ils passent comme des acteurs lançant leurs répliques. Peut-être la traductrice a fait perdre un peu de son charme, de sa poésie, aux idéogrammes de l'auteur. Les autres romans d'Edogawa Rampo (il me semble avoir lu tout ce qui a été traduit en français) m'avaient semblé plus réussis de ce point de vue, mais cela fait tellement longtemps que je ne jurerais plus de rien.

En même temps, il ne faut pas se leurrer, c'est un roman populaire et l'action se doit de prendre le pas sur la forme. De ce côté, on est bien servi. L'une des forces ici de Rampo, de son vrai nom Hirai Tarô, est que même si son intrigue est assez prévisible pour le lecteur averti, il y a toujours quelque chose qui lui échappe. Un détail dans le déroulement des événements qui fait que ceux-ci n'ont pas tout à fait lieu comme on s'y attendait. On se dit que l'auteur va suivre tel chemin, céder à tel cliché, et il le fait ! mais voilà, tout ne se passe pas comme prévu. Par exemple, à un moment, l'auteur ose recycler une idée de l'une de ses meilleures nouvelles. On se dit que ce n'est quand même pas très sérieux. Et voilà soudain que l'un des personnages, le détective Akechi, remarque aussi la similitude ! Comme nous, comme les criminels, il a lu la fameuse nouvelle ! Si ça ce n'est pas une idée brillante...

Les grands amateurs de romans policiers, dont je ne fais pas partie, ceux qui ont lu tous les Agatha Christie et forment des sociétés de détectives amateurs, seront peut-être interessés d'apprendre que le roman aborde à plusieurs reprises le problème de la chambre close et s'en sort, à mon humble avis, honorablement. L'intrigue mise aussi beaucoup sur les déguisements, ce qui est un peu difficile à avaler, même si au Japon cela peut sembler moins inimaginable qu'en occident. Mais après tout, si ça passe dans Sherlock Holmes, il n'y a pas de raison que cela coince ici, n'est-ce pas ? On fera quand même remarquer qu'à plusieurs occasions la mystification implique des gens censés bien se connaître.

J'ai relu Le Lézard noir avec beaucoup plus de plaisir que j'en avais eu à le lire la première fois. Sans doute parce qu'il m'était tombé entre les mains durant une mauvaise passe, ou peut-être parce que je m'étais alors trop préoccupé du style. On a des périodes plus littéraires que d'autres. La fin quand même continue de me décevoir; elle méritait un peu plus de développement et surtout des explications plus solides: le coup de théâtre l'emporte sur le bon sens. Edogawa Rampo, ce contemporain de Lovecraft qui a fait aussi dans le genre fantastique, est un auteur hautement distrayant et encore suffisamment moderne pour intéresser tous les types de public. Très connu au Japon, il l'est beaucoup moins ailleurs et on espère que toute son oeuvre sera traduite en français comme une petite partie l'a déjà été. Ah, et puis évidemment, cela ne surprendra personne, Le Lézard noir a été adapté pour le cinéma en 1968 par Kinji Fukasaku, le réalisateur de Battle Royale. Maintenant si j'arrivais à mettre la main dessus...

2 commentaires:

  1. J'avais bien aimé ma lecture de ce roman. J'avais l'impression de lire un genre du dessin animé Sherlock Holmes quand on était petit. :)

    Càd un certain lien qui se crée entre le voleur et l'enquêteur. ^^

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  2. Moi aussi je regardais ce dessin animé quand j'étais plus jeune, mais surtout pour l'animation, parce qu'autrement je le détestais. Je ne pouvais pas les piffer tous avec leurs sales têtes de clébards difformes (la fille, pire que tous les autres). C'était réalisé par Miyazaki, mais on ne peut pas dire qu'entre son oeuvre et moi ca a été le coup de foudre instantané.

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