27 mars 2013

Frankenstein, de Mary Shelley


Frankenstein, c'est grand classique... Mais surtout un roman qui m'a franchement déçue !


Résumé :

Robert Walton est en train de réaliser son rêve : affréter un bateau pour partir explorer le Pôle Nord. Alors qu'il est entouré par les glaces, l'équipage croit apercevoir un géant parcourir la glace sur un traîneau. Le lendemain, ils secourent un homme, le docteur Frankenstein, à moitié mort de froid et profondément déprimé. Il raconte alors au capitaine Walton l'histoire de l'horrible créature qu'il poursuivait sur les glaces...


Mon avis :

Voilà un livre où l'histoire du livre m'a paru plus intéressante que le roman lui-même. Je vais donc commencer par là. Il était une fois, au début du XIXème siècle, une jeune femme de 19 ans qui passait ses vacances avec son amant marié (lequel avait abandonné sa femme et leur bébé pour partir avec elle). Tous deux sont des intellectuels : la jeune femme, Mary Wollstonecraft Godwin, est la fille d'un philosophe libéral connu à l'époque, et son amant, Percy Shelley, est l'un des "disciples" du père. Ils se sont enfuis deux ans auparavant en compagnie de Claire, la demi-soeur de Mary, et depuis lors parcourent l'Europe en menant une relation aimante mais plutôt libre. So shocking pour l'époque ! 

A l'été 1818, Mary, Percy et Claire sont au bord du Lac Léman, en compagnie du grand poète Lord Byron. C'est un été pourri, en fait un hiver volcanique - une série d'éruptions en Indonésie et ailleurs avaient envoyé dans l'atmosphère des poussières volcaniques qui ont perturbé la météo dans le monde entier. Nos vacanciers s'ennuient, confinés à l'intérieur, et se lancent dans un petit jeu : ils vont chacun inventer une histoire de fantôme. Byron écrit un récit qui sera à l'origine du mythe du vampire et qui inspirera l'auteur de Dracula. Mary n'a pas d'idées, elle passe des semaines à réfléchir. Puis l'inspiration lui vient dans un rêve : elle voit un étudiant penché sur la créature qu'il a fabriquée, un être affreux, né de l'assemblage de bouts de cadavres... Mary en fait une nouvelle, qu'elle lit à ses compagnons. Percy l'encourage à en faire un roman, qu'il finit par publier anonymement pour ne pas révéler qu'une jeune fille avait écrit cette affreuse histoire...

En voilà une histoire qu'elle est belle, vous ne trouvez pas ? Un amour interdit, des vacances entre futurs grands écrivains et philosophes (Percy Shelley aura aussi sa part de gloire), un hiver volcanique, un cauchemar... C'est presque trop beau pour être vrai, on dirait un roman !

Du coup, j'étais pleine d'enthousiasme à l'idée de découvrir le fruit de ces efforts. Un tel classique, en plus !  J'aime les classique, je me dis que s'ils ont passé avec succès le filtre du temps c'est qu'il doit y avoir quelque chose d'exceptionnel à y trouver.

Je vous épargne le suspense : la seule chose extraordinaire que j'ai trouvée dans ce roman, c'est le personnage du monstre, ce géant rafistolé qui, d'après le narrateur, est extrêmement laid. Notez au passage que le monstre ne s'appelle pas Frankenstein, c'est le nom du docteur qui l'a créé, la créature n'a pas de nom, contrairement à ce que l'on croit.

Pour le reste, je vais vous avouer que je n'y ai vu qu'une morale boiteuse, un style dépassé et plein de longueurs. Je peux même vous le dire tout de suite : je n'ai pas pu le terminer.  Ce livre m'attendait sur ma table de nuit et j'avais tellement peu envie d'y retourner que je préférais m'endormir tout de suite. J'ai donc abandonné vers les 2/3 de l'histoire, sans grand espoir que ça s'arrange par la suite, et j'ai allègrement survolé la fin.  Et maintenant, je me permets de "casser du classique".

Au niveau de l'intrigue, je cherche toujours à comprendre la morale que l'auteure a voulu faire passer. Etait-ce "c'est mal de jouer les apprentis sorciers et donner la vie artificiellement" ?  A priori oui, le syndrôme du Prométhée moderne a dû faire mouche à l'époque où la science commençait seulement à prospérer. Mais il est très clair que le monstre n'en est pas un à sa création ; son seul défaut c'est d'être si affreusement moche, pour le reste c'est un bon garçon qui ne deviendra méchant qu'après avoir été rejeté sans arrêt, et uniquement pour obtenir le droit d'être heureux. Au final, le véritable monstre c'est le docteur Frankenstein, le créateur qui refuse dès le départ de prendre ses responsabilités sous le prétexte qu'il est effaré par la monstruosité qu'il a créée (d'autant plus qu'il se rend compte, trop tard, du petit problème éthique de ses expériences et préfère fuir).  Si l'auteure avait voulu faire passer un message sans ambiguité, elle aurait pu rendre sa créature bien plus insupportable.

Si ce n'est pas le but de cette histoire, j'ai envie de croire que le message est plutôt "ne rejetez pas l'étranger sur son apparence, il est bon au fond". Le problème est qu'en voyant l'histoire à travers les yeux du docteur Frankenstein, on est obligés de se retrouver de son côté, de comprendre son rôle de "victime" - et il est vrai que la créature devient réellement un monstre à qui il devient difficile de pardonner. Cela veut-il dire que la créature, parce qu'elle n'est pas un véritable être humain (et parce qu'elle est laide, rappelons-le, ça semble souvent être son principal défaut), est destinée à être rejetée et donc devenir mauvaise ?  Difficile d'y croire quand on pense qu'il suffirait d'un poil de sympathie pour le rendre heureux et aussi bon que le meilleur des hommes. Je n'ai rien contre les romans qui se terminent sur des questions morales en suspens, c'est d'ailleurs souvent plutôt fascinant qu'autre chose, mais là, quelle que soit la façon dont on tourne le problème, le message se contredit et ça m'a juste agacée.

Point de vue stylistique, j'adhère généralement sans problème à la littérature anglaise du XIXème siècle (j'ai lu le livre en VO) et c'est assez joliment écrit... mais qu'est-ce que c'est long ! Il y a toute une série de passages pas nécessairement utiles pour l'intrigue principale et d'autant plus pénibles pour le lecteur moderne qu'ils sont très emprunts des clichés romantiques de l'époque : le capitaine Walton qui a tant besoin d'un ami (sous-entendu : un homme de sa classe sociale, voire un amant, c'est un peu ambigu), la famille française si courageuse et si parfaite face à l'adversité, la famille et les amis de Frankenstein, tous si plats... D'ailleurs, le docteur Frankenstein lui-même est un champion de l'auto-justification la plus lâche. Le vrai et seul personnage qui en vaille la peine, c'est "la créature".

Et donc voilà le seul point intéressant de cette histoire, comme je vous le disais au début : le monstre, ou plutôt la créature, fabriqué de toutes pièces, géant, affreux, sans parents, sans passé, sans enfance. Son évolution, sa découverte des hommes, des sentiments, du language et de la morale. Sa recherche du bonheur, sa solitude touchante, le rejet qu'il subit uniquement à cause de son apparence. Son désespoir et ce qu'il est poussé à faire pour tenter de trouver, sinon un père, au moins une compagne.

Finalement, ce n'est que justice si le docteur Frankenstein a été oublié et si on se souvient plutôt, sous son nom, de sa créature.  Si ce roman a une qualité, c'est de lui donner la vie. Mais pour être tout à faite honnête, Mary Shelley aurait pu se contenter de publier la nouvelle qu'elle a racontée à ses amis, ça m'aurait tout à fait convenu.


Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- acheter le livre sur Amazon 
- je fais compter ce roman pour le challenge Fant'Classique d'Iluze, même si strictement parlé, c'est plutôt de la science-fiction... mais Frankenstein figure dans la liste qu'elle propose, alors j'en profite ! 


6 commentaires:

  1. J'ai lu ce roman pour un cours à la fac et je dois t'avouer que je n'ai pas du tout le même avis que toi. J'ai adoré ce roman et sa morale et j'ai bien aimé les longueurs. Question de point de vue quoi...
    Je ne vais pas te ressortir mon cours en commentaire mais la façon dont ce livre nous a été expliqué était passionnante...

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  2. Oh mais ça m'intéresse ! Est-ce que tu sais où je peux trouver plus d'informations sur ce que tu as trouvé passionnant ? Je me rends compte que je suis probablement passée à côté de quelque chose, et même si je n'ai pas vraiment trouvé la lecture agréable, ça m'intéresse beaucoup d'en savoir plus.

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  3. Il est vrai que l'histoire du livre est en elle-même passionnante et je comprends ton désarroi ou ta déception à la lecture du roman...
    Personnellement, même si cela n'a pas été un coup de coeur, j'ai trouvé ce livre très riche en thèmes abordés, même si quelques invraisemblances viennent se glisser entre les pages... Mais comme je n'attendais rien de spécial de cette lecture, j'imagine que je m'y suis plongée sans arrière-pensée et que j'ai savouré chaque instant...

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  4. Est-ce que tu sais si de nos jours on peut lire quelque part les oeuvres qui avait été écrites à l'origine? La nouvelle, et le récit de Byron également..Ca doit être vraiment très intéressant!
    De mon côté je me souviens que j'avais trouvé le professeur franchement antipathique au fur et à mesure de ma lecture, mais concernant la créature mon avis est le même que le tien, et c'est ce qui m'avait poussé à le finir.

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  5. C'est vrai que la Créature présente bien plus d'intéret que Frankenstein. J'ai absolument détesté ce dernier que j'ai eu envie de baffer à longueur de pages. Mais la Créature m'a vraiment beaucoup plu (j'ai vraiment un truc avec les monstres) et j'aurais aimé qu'elle ait d'avantage la parole.

    Mais surtout j'aime le fait que tu aies pris le temps de rappeler les circonstances de la naissance de ce texte. Elles ont quelque chose d'assez merveilleux et ce sont en parties ces circonstances qui m'ont donné envie de découvrir ce texte.

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  6. À une époque pas si lointaine j'avais hésité à le lire mais les avis étant assez mitigés j'avais préféré me tourner vers Dr Jekyll & Mr Hyde que j'avais beaucoup aimé. Je pense que ton avis ne me convaincra pas d'y revenir ! En tout cas l'histoire de la création du roman est très romantique !

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