En réveillant mon blog, j'ai retrouvé ce brouillon de chronique jamais publié qui date de 2014. Il m'a donné envie de (rerererere)lire ce roman, et il est vraiment temps que je le partage avec vous !
Lorsque Nick Carraway s'installe à West Egg, dans la banlieue chic de New York, il s'aperçoit qu'il a pour voisin le mystérieux Jay Gatsby dont personne ne connaît l'origine mais qui organise chaque semaine de somptueuses fêtes dans son immense villa. De l'autre côté de la baie habitent les époux Buchanan: Daisy, sa cousine, et Tom, un ami d'université. Nick devient alors le témoin privilégié des retrouvailles entre Daisy et Jay Gatsby et du drame qui en découlera.
Mon avis :
Pour moi, le seul moyen de savoir qu'un livre est un véritable "coup de coeur" est d'attendre quelques semaines ou quelques mois pour voir si j'ai envie d'y revenir. Si c'est le cas, c'est soit qu'il m'a laissé un souvenir tellement agréable que j'ai envie de le revivre, soit qu'il me trotte encore derrière la tête et que j'ai besoin de redécouvrir pourquoi.
Dans ce cas-ci, j'ai lu le livre il y a plusieurs mois ; à l'époque, je n'ai pas eu le temps de le chroniquer, et puis je m'interrogeais toujours à son propos. Je n'arrivais pas à me faire une opinion, il me laissait surtout une série d'impressions disparates : la passion, la folie, la superficialité, le luxe, l'égoïsme... Pas uniquement des sensations positives, mais surtout le sentiment global que je n'avais pas réellement tout saisi.
Et puis au fil des mois, j'ai eu envie d'y retourner, pour les deux raisons citées plus haut. J'ai à nouveau tourné les pages, plus lentement maintenant que je connaissais l'histoire, pour mieux apprécier le style et pour mieux me concentrer sur mes impressions et leurs origines. Après plusieurs relectures (et je ne me rappelle pas avoir relu un livre si souvent ni si tôt après la première lecture), je ne suis toujours pas capable d'expliquer entièrement ce qui me fascine dans ce roman. Mais ce qui est sûr, c'est que c'est en effet un "coup de coeur".
Je pense que l'impression globale qui se dégage, c'est la puissance de la narration. Ce roman m'a plongée dans un monde dont je ne connais rien, qui n'est absolument pas le mien, à une époque lointaine, dans un univers peuplé de personnages que je ne peux pas comprendre tellement ils sont différents de moi... et pourtant, il m'a permis d'y entrer, entièrement. Il n'y a que peu de descriptions, et pourtant, il y a un véritable univers créé en quelques mots. Le seul exemple qui me vienne à l'esprit pour illustrer ceci, c'est la description de la golfeuse Jordan Baker ; elle se déplace comme si elle avait appris à marcher sur un terrain de golf, et elle porte la tête comme si elle faisait tenir en équilibre une balle de golf invisible sur son menton. En deux phrases, on comprend que la femme est sportive, vivacieuse et légèrement hautaine, ses caractéristiques principales dans cette histoire.
L'impression qui domine, c'est la folie : la folie des fêtes de Gatsby, représentée par les décorations, les fleurs, la presse à fruit, l'armée de serviteur, les gens qui viennent sans être invités, et puis cette scène magnifique d'absurdité où, en partant, un conducteur perd une roue dans un fossé et ne s'en rend pas compte. La folie transpire aussi dans la vie des Buchanans, la légèreté de Daisy, leurs conversations sans queue ni tête, comme si rien n'avait d'importance. Et puis il y a la folie de Gatsby, qui crée un monde pour rejoindre une femme, et quand il l'a, qui veut encore plus ; un homme tellement fou de passion qu'il croit, de façon touchante mais tout à fait irrationnelle, revenir sur le passé. C'est en ça qu'il est "magnifique": dans ce monde superficiel, où à première vue il représente le summum de toute cette vie artificielle et le mystère incarné, c'est en fait le seul personnage profond, le seul dont on comprenne réellement les motivations.
Ce roman décrit aussi, avec énormément de réalisme et de puissance toujours, la "haute" société américaine des années 20. Comme Fitzgerald et son épouse, ils sont jeunes, ils sont riches, ils font ce qu'ils ont envie de faire au moment où ils en ont envie et n'ont jamais à subir les conséquences de leurs actes. Ils forment une aristocratie qui ne dit pas son nom, un milieu où Jay Gatsby pense qu'il pourra entrer s'il devient assez riche et assez extravagant, mais en réalité la porte lui reste fermée jusqu'au bout. Le rêve américain est présent partout, dans New York qui se construit, dans la fête et la boisson malgré la prohibition, dans les fêtes et le mystère qui entourent Gatsby, mais on en touche du doigt les limites, la fausseté.
La fin est terrible, dramatique, mais exactement ce qu'elle devait être. D'une certaine façon, toute cette histoire était un rêve, et la fin représente le réveil, d'autant plus brutal que le rêve a été extravagant.
En lisant ce roman, je mesure ma chance de pouvoir le découvrir dans sa langue originale, tant le style est magnifique. C'est le genre d'histoire qui se résume très mal parce que la beauté vient en grande partie de la force narrrative. Le texte est très réfléchi sans être lourd ; le choix des mots nous plonge immédiatement dans une atmosphère unique. Les descriptions en disent toujours beaucoup plus que leur contenu à première vue. Comme je le disais plus haut, c'est un roman qui se prète à la relecture, car après s'être laissé porter, on peut le redécouvrir entièrement en tenant compte des sous-entendus, des non-dits, de tout ce qui approfondit subtilement l'intrigue.
Bref, je pense que c'est un des chef-d'oeuvres les plus abordables de la littérature anglo-saxone, et je le recommande chaudement à tous.
Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre, avec l'avis d'autres lecteurs
- pour ceux qui parlent anglais : CrashCourse a créé une très belle analyse du roman en vidéo pour adolescents : partie 1 et partie 2.
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