Voici un livre chéri dans ma jeunesse, qui m'est revenu en tête brutalement et que j'ai relu spontanément, en-dehors de tout planning de lecture. De temps en temps il faut se laisser porter par ses envies...
Résumé :
Les deux jumeaux du père Barbeaux, Landry et Sylvinet, sont de beaux et gentils garçons inséparables. Quand ils ont 14 ans, leur père décide d'envoyer l'un d'eux travailler dans la ferme d'un voisin. Landry est tiré au sort et s'habitue petit à petit à son nouvel environnement, mais Sylvinet, resté à la maison, est mélancolique au point d'en tomber malade. Un jour où Landry vient le voir, Sylvinet n'apparaît pas et sa mère confie à Landry qu'elle craint qu'il attente à sa vie. Landry, paniqué, a recours pour le retrouver à l'aide de la Petite Fadette, une petite sauvageonne qu'il a toujours méprisée, et suite à ça découvrira qu'elle est bien différente de ce qu'il s'était imaginé.
Mon avis :
Ce roman, je l'ai découvert pour la première fois quand j'étais adolescente et qu'on me l'a offert pour un anniversaire ; je l'avais adoré à l'époque et j'étais curieuse de le relire pour savoir si mon avis était resté le même. Je n'étais pas sûre de pouvoir toujours apprécier cette histoire d'amour gentillette et j'avais peur de découvrir que le texte était bien plus daté que dans mon souvenir.
Eh bien, j'avais tort. Cette histoire d'amour très douce m'a pourtant à nouveau émue. Il est clair que tout ceci est fort idéalisé ; dans le petit monde rural que décrit avec tendresse George Sand, il n'y a pas de famines, personne n'est vraiment pauvre au point d'en souffrir, les adultes sont sages et les jeunes ont la belle vie. Le village est aussi prêt à revoir remarquablement vite son opinion d'une jeune fille devenue tout à coup fréquentable. Les gentils sont récompensés par une vie heureuse, les moins gentils ne sont pas vraiment méchants. Mais ça donne à toute cette histoire la saveur d'un conte très doux qui fait chaud au coeur.
En plus de ça, ce roman raconte bien plus de choses qu'une seule histoire d'amour. Il parle avant tout de deux "bessons", des jumeaux identiques inséparables toute leur enfance et qui vont évoluer de façon différente. On y voit l'erreur de parents qui font pourtant de leur mieux, la souffrance d'un coeur trop gâté et la façon dont un gentil garçon peut souffrir de la jalousie sans même le savoir. L'histoire est simple mais touchante et si joliment racontée qu'on ne peut que s'attacher aux bessons et souffrir avec eux.
C'est aussi l'histoire d'une jeune fille méprisée qui va dévoiler sa vraie nature, et en ça c'est un peu un roman féministe : la petite Fadette est finalement, malgré sa jeunesse et son sexe, le personnage le plus sage et raisonnable du roman. Je dis que c'est "un peu" un roman féministe parce qu'en même temps, pour pouvoir obtenir la reconnaissance et le bonheur, elle devra avant tout faire l'effort de se conformer à ce qu'on attend d'une "fille de bien". Elle passe son enfance à être rejetée et méprisée par la communauté parce qu'elle est trop garçon manqué, qu'elle fait preuve de trop d'esprit et parce que sa mère s'est enfuie avec les soldats ; on attend d'elle qu'elle soit féminine, discrète et que par sa conduite sage et soumise elle se fasse pardonner un péché qui n'est pas le sien. C'est ce qu'elle finira par faire pour obtenir l'homme dont elle est amoureuse, et elle semble s'accommoder de sa vie et apprécier qu'on reconnaisse enfin ses qualités... mais c'est aussi une défaite, quand on y songe.
Ceci dit, l'auteur a le mérite d'offrir une jolie leçon de tolérance. La longue conversation entre Landry et la petite Fadette dans les champs est un des plus beaux dialogues que j'aie jamais lus ; quand Landry est tout étonné de s'attacher à la jeune fille qu'il pensait détester juste à cause de ses jolis mots, moi je ne suis pas étonnée du tout. Comment résister à une voix - une plume - aussi touchante ?
Comme d'habitude avec les romans de George Sand, on a aussi le plaisir de découvrir la vie rurale du XIXème siècle, de se balader dans les champs et les forêts avec les personnages. On découvre la beauté d'un boeuf en pleine forme, la petite lumière envoûtante d'un feu follet ou le plaisir de faire de petits moulins de brindilles comme les enfants de l'époque. Les paysans ne sont pas sales et ignorants, pauvres ou malades, ils sont sages, heureux, ils forment une communauté où chacun a sa place. C'est assez bizarre mais sous la plume de George Sand, ce genre de tableau n'a pas pris une ride.
En résumé, je recommande chaudement ce joli conte qui continue à me mettre les larmes aux yeux ; je pense qu'il rendre pour moi dans la catégorie "livres-doudous" que je feuillèterai encore et encore lorsque j'aurai besoin d'un peu de douceur. Si vous ne le connaissez pas, découvrez-le d'autant plus facilement qu'il est dans le domaine public et existe sous la forme d'ebook ou d'audiolivre gratuits. Il se lit vite et en vaut vraiment la peine.
Pour en savoir plus :
- l'avis de Belykhalil, qui n'a pas du tout été conquise, pour tempérer un peu mon enthousiasme
- acheter ce livre sur Amazon en ebook gratuit ou en papier
J'avais reçu ce livre en cadeau de ma grand-mère paternelle (un des rares cadeaux qu'elle ait pu faire d'ailleurs) et n'avais pas su le lire à l'époque ... je ne sais pas pourquoi. Il faudrait peut-être que je réessaye (j'avais eu le même soucis avec les 4 filles du Docteur March; puis voir le feuilleton à la TV m'avait aidé à le lire et apprécier ma lecture). Tu me donnes envie en tout cas de ré-essayer, car je n'avais plus tenté depuis des années.
RépondreSupprimerOui je pense qu'il te plaira. C'est marrant, moi aussi je l'ai reçu en cadeau d'un membre plus âgé de ma famille (des grands-oncle et tante pour ma part) qui m'ont aussi offert Les 4 filles du docteur March :D
RépondreSupprimerC'est drôle, je parlais justement de George Sand avec un collègue la semaine dernière : il est en train de lire sa correspondance (elle a eu une vie plus que remarquable) et y admirait sa finesse, sa plume et son intelligence. Je m'étais promis de lire bientôt cette correspondance mais en attendant, je pourrais déjà me replonger dans La Petite Fadette que j'ai lu il y a vraiment très longtemps...
RépondreSupprimerOn verra ... faudrait déjà que je le récupère chez ma maman (si je le retrouve car ils ont tout chamboulé ma chambre d'ado là-bas, snif)
RépondreSupprimerNos aïeux ont peut-être des goûts sûrs :) (Mais bon, à vérifier puisque petite je n'étais pas du même avis sans doute x) )