14 février 2010

Les Prophéties du Centenier, de Simon Le Centenier

Il y a quelques temps, Livraddict a proposé un partenariat un peu particulier avec les éditions Alphée: les inscrits recevraient des livres "surprises" de temps en temps, qu'ils ne choisiraient pas et sans être prévenus des titres à l'avance. J'aime l'aventure alors je me suis lancée de bon coeur. Le premier livre reçu fut "Les Prophéties du Centenier". Et je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à ça !


Résumé:

"Les quatrains ici présentés sont des textes révélés.  Celui qui les a "reçus", mon ami, disparu depuis 1959, souhaitait rester dans l'ombre, et ne voulait pas qu'ils fussent connus avant au moins un demi-siècle.  Aujourd'hui, en cette fin d'année 2008, je me sens enfin autorisé à les faire apparaître en pleine lumière."
Celui que l'auteur de la préface présente sous le nom de Simon le Centenier était un moine bénédictin au début du XXème siècle. En l'espace de plusieurs décénies, il eut des "révélations", 179 quatrains mystérieux soufflés à son oreille qui semblent prédire le destin de notre planète. Le livre a pour but de présenter ces textes en laissant aux lecteurs le soin de les déchiffrer leur sens caché.


Mon avis:

Le livre commence par une longue préface signée de la main d'Albio Falberi, un ancien ami de Simon qui se présente comme son légataire.  D'une jolie plume, il nous parle de sa rencontre avec le moine, de leur amitié et de la façon dont il a découvert les quatrains. Il dévoile ensuite l'analyse qu'il a lui-même faite de ces petits textes: beaucoup lui sont restés mystérieux, mais il a pu en déchiffrer certains et retrouver un certain ensemble de sens pour d'autres.

Parce qu'il faut bien l'avouer, l'analyse des vers qui constituent le reste du livre est loin, très loin d'être facile. Un passage qui exprime bien cette difficulté:

Ces jeux du verbe et ces images poétiques, avec l'usage fréquent de mots peu usités et de syntaxes étranges, créent un style déconcertant. Je m'en suis toujours étonné, car dans la vie courante Simon s'exprimait avec simplicité.  On mesure là toute la distance entre la langue de tous les jours et le langage prophétique.  Toutes les ressources de l'exégèse seraient nécessaires pour s'y retrouver, ce qui dépasse de loin mes compétences.

Ce qui ne m'interdit pas quelques observations simples. Prenons, par exemple, le quatrain auquel ma pioche aléatoire a attribué le n°172:

De Curaçao épigone en pillage
Arbore sur lagans lettrine en proue
Mordache noire à lige mariage
Que Rio combat et Bélem dénoue.

Dans l'Antiquité grecque les épigones étaient les descendants des généraux qui se partagèrent l'empire à la mort d'Alexandre. L'emploi de ce terme, associé à celui de pillage et de "lige mariage", semble désigner les auteurs de la reprise en main en 2006 de Curaçao par les Pays-Bas, sur arrière-fond d'intérêts pétroliers au large de l'île (les lagans sont une expression scandinave peu connue qui désigne des biens apportés en abondance par la mer). Le peuple a été bâillonné (la mordache était une sorte de poire d'angoisse utilisée par les Capucins pour punir les novices qui n'avaient pas respecté la règle du silence). Le quatrain semble annoncer des difficultés ultérieures avec le Brésil. Mais cette interprétation est presque trop évidente et dissimule peut-être un piège, car d'autres quatrains ne se livrent pas si facilement.
"Facile", vous dites ? On ne doit pas parler tout à fait la même langue...

Il faut dire que l'interprétation d'Albio Falberi est par moments assez convaincante. D'après lui, les quatrains avaient prévu les attaques du 11 septembre, les dangers écologiques, l'écroulement de l'ex-URSS et la montée en puissance de l'intégrisme islamique.  Ils parlent aussi, notamment, de la fin de la République française et des Etats-Unis d'ici 30 à 60 ans et parlent d'une apocalypse qui aurait lieu au moment où le monde arabe s'unirait avec la Chine. A lire les textes et les explications sur leur interprétation, on ne peut pas s'empêcher de penser que c'est difficilement une coïncidence.

N'empêche que pour croire à ces révélations et à leur côté prophétique, il faut d'abord croire à ce genre de "magie", qu'on l'appuie sur le surnaturel ou sur une origine divine. Il faut aussi faire confiance à Albio Falberi: il nous présente un prêtre dont il tait le vrai nom et l'origine, des quatrains qu'il dit avoir reçus il y a cinquante ans et dont, bizarrement, il a perdu presque immédiatement les copies originales... Si l'on considère qu'il n'a donc aucune preuve que ces lignes ont été écrites à l'époque qu'il nous annonce, toutes les révélations qui se sont vues confirmées et qu'il nous présente pour nous convaincre perdent leur crédibilité. Un peu gênant quand même.

Reste que l'analyse de ces petits vers mystérieux peut être amusante pour ceux qui aiment ce genre de jeux: armé d'un très bon dictionnaire, d'un peu de patience et de beaucoup d'imagination, c'est une base idéale pour un exercice d'exégèse. Mieux que Nostradamus, puisque même si les vers sont assez incompréhensibles, ils sont au moins formés dans une langue actuelle. D'ailleurs, si vous vous prenez au jeu, les éditions Alphée organisent justement un concours à ce sujet sur leur site

En ce qui me concerne, ça ne me tentait pas plus que ça, je dois bien l'avouer. J'ai parcouru les vers sans qu'aucun ne s'illumine a priori, et ma patience limitée pour ce genre d'exercice ne m'a pas incitée à aller plus loin. Mais si ça vous tente, n'hésitez pas à vous procurer ce petit livre: ce n'est pas tous les jours qu'on publie un héritier de Nostradamus...

Merci donc à Livraddict et aux éditions Alphée pour cette découverte, même si je préférerais la prochaine fois recevoir un bon vieux roman...

2 commentaires:

  1. Ah ce que je vois ce sont surtout des documentaires qu'ils transmettent. J'ai eu droit à "L'affaire Jacques Viguier" qui était intéressante à lire même si au final le problème n'est pas résolu puisqu'il y a appel devant la Cour d'Assises d'Albi en mars prochain.
    Le livre que tu as reçu ne m'aura pas branchée non plus. Tu as dû souffrir avec le peu que tu as lu...

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  2. Souffrir, quand même pas :) C'est un peu frustrant parce qu'on voudrait bien deviner ce qui se cache derrière les vers sans y arriver. Je suis curieuse de savoir ce que les lecteurs qui participeront au concours auront deviné.

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