Dans je ne sais plus quel Claudine, Colette, par la voix de son héroïne, nous avoue son mépris pour l'oeuvre d'Émile Zola et sa passion pour celle de Balzac. Eh bien moi, c'est tout l'inverse ! Balzac est trop ancien et manifestement désuet à mon goût, au contraire d'Émile Zola, dont l'honnêteté de l'oeuvre, son réalisme, et les dilemmes humains qui l'inspirent sont eux éternels.
Résumé :
Le jour de Noël 1860, au pied de la cathédrale de Beaumont, une petite fille se meurt de froid sous la neige. Angélique sera secourue par les Hubert, des chasubliers vivant la porte à côté, qui l'élèveront comme leur fille. Grandissant dans l'ombre de la cathédrale, elle nourrira des rêves fantastiques à la lecture de la Légende dorée, tout en peaufinant son art de brodeuse. Le miracle enfin qu'elle attend avec une foi inébranlable se manifestera dans la personne du beau Félicien. Mais jusqu'où lui sera-t-il permis de vivre son rêve ?
L'avis de Sanjuro :
En France, Zola est considéré comme le chef de file du courant littéraire naturaliste, qui succéda à celui des romantiques. Tout le monde a eu à étudier à l'école sa fameuse saga des Rougon-Macquart, vingt romans liés entre eux non pas par un fil narratif mais par des connexions généalogiques et ataviques. L'Assomoir, Nana, Germinal (très populaire dans les années 90 à cause du film), Au bonheur des dames, La Bête humaine, pour ne citer que les plus connus.
Bien qu'il fasse partie des Rougon-Macquart, dont il est le seizième livre, Le Rêve n'a jamais vraiment su s'imposer comme l'un de ces classiques, et il est assez facile de voir pourquoi. Si le style, comme de coutume, est irréprochable, l'histoire est si particulière qu'elle s'intègre décidément très mal au réalisme qui a fait la réputation d'Emile Zola.
On pourrait même dire, avec une pointe d'ironie, que c'est sans doute le plus près d'un récit fantastique que son auteur se soit approché. Mais n'allez pas croire que c'est du Maupassant, tout le fantastique ici se trouve dans le mysticisme religieux et l'atmosphère miraculeuse qui imprègne les protagonistes et semble émaner directement d'Angélique.
D'une certaine manière, tout ou presque semble s'accomplir selon sa volonté.
Là, il y a tout de même deux possibilités d'interpréter les évènements, soit par le fait de l'intervention divine, soit par la puissance naturelle de caractère d'Angélique, magnifiée par sa foi aveugle et ses illusions. C'est peut-être là, au fond, où se situe le réalisme du livre et son véritable thème, le pouvoir de la foi, quels qu'en soient l'objet ou les raisons, tant que celle-ci reste pure. Cette interprétation réaliste est compromise par certains choix comme la séquence du miracle, appelons-la ainsi, avec le fameux "Si Dieu veut, je veux", ou la bénédiction d'Hubertine qui arrive à point nommé. La fin nous rappelle quand même que Zola écrit autre chose que des contes de fées. Il aurait été vraiment intéressant de savoir comment celui-ci défendait ce roman et en particulier comment il justifiait son intégration dans son oeuvre principale.
Le Rêve est en outre l'un des romans de Zola les plus chargés de symbolisme qui soit. Il y a la cathédrale omniprésente et toutes les saintes bien sûr, dont la vie, et les morts surtout, toutes abominables, nous sont décrites par le biais de La Légende d'or, une compilation de textes du Moyen-Âge. Sainte Agnès en particulier, à la fois modèle et patronne, revient souvent. A un moment donné, la narration va même jusqu'à adopter une cadence liturgique. Et cela va plus loin encore, jusque dans les noms: la belle et blonde jeune fille, très croyante, s'appelle Angélique; sa félicité, le jeune homme, ni moins beau, ni moins blond, s'appelle Félicien. Il fallait oser !
C'est un roman agréable à lire, surtout dans ses moments plausibles, qui régalera peut-être les croyants fervents d'actes de foi mais ne convaincra pas les autres. Le réalisme social de Zola s'y écroule ici, à coups de miracles et d'un symbolisme trop lourd pour les frêles épaules de ses deux jeunes protagonistes. L'énergie même de leur passion, sa pureté immaculée, a quelque chose qui sied mieux aux romantiques qu'aux réalistes.
Indirectement cependant, le roman est aussi instructif sur un point. On se rend compte que ce qui unit tous ces saints chrétiens du Moyen-Âge, ceux-là même dont nous tirons nos noms, est, plus que le miracle soi-disant accompagnant leur ascension céleste, l'atrocité de leur mort et une intolérable souffrance. Les horreurs des temps obscurs, épouvantées d'elles-mêmes, se réfugient derrière des images du divin et du merveilleux. Cela trouve écho dans le présent, où les extrémistes de toutes religions promettent à leurs martyrs l'illusion du rêve. Et d'un autre côté, cela contredit les hiérarchies religieuses qui préfèrent élever à la sainteté ceux de leur propre rang.
Emile Zola dans un de ses romans les plus légers !!
RépondreSupprimerUne parenthèse avant le dur "La Bête Humaine"
Et moi je n'ai jamais eu à étudier Zola à l'école ! Ce qui fait que je ne l'ai jamais lu, en fait :s
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