11 juin 2013

Monsieur Malaussène, de Daniel Pennac


Après une longue pause involontaire, je reprends les rênes de ce blog avec une chronique qui attend d'être publiée depuis plusieurs semaines, la pauvre...


Résumé :

C'est la panique pour Benjamin Malaussène : Julie lui fabrique une descendance !  Dans cette époque, dans ce monde, est-ce bien raisonnable ?  Autour de lui, comme d'habitude, Belleville est en ébullition : sa mère est rentrée au bercail, sans enfant mais pleine de larmes ; sa tribu s'est mise en tête de sauver le cinéma du quartier ; Gervaise, la fille de Van Thian, est à la poursuite du monstre qui lui tue "ses putes" ; et Julie se retrouve plongée dans d'anciennes histoires de jeunesse...


Mon avis :

L'aventure Malaussène continue, avec ce qui devait bien arriver un jour : avec tous les gamins qui naissent dans la famille Malaussène, pour une fois c'est au tour de notre héros Benjamin de se reproduire.  Mais comme c'est un stressé de la vie, un philosophe sans certitudes, le voilà qui se pose plein de questions métaphysiques sur l'opportunité de donner la vie. Ce qui est sympa un moment, mais pourrait devenir un peu lassant pour nous autres lecteurs, si Belleville ne se chargeait de nous changer les idées.
On a d'abord l'histoire extravagante d'un serrurier tatoué et d'une crucifixion - assez divertissante, je dois bien l'avouer, parce qu'à cette occasion on a droit au passage le plus WTF* de toute la série, et ce n'est pas peu dire. Ensuite commence une autre histoire, celle du dernier ciné de Belleville qui est menacé de fermeture et dont la gérante, Suzanne, représente Le Cinéma sans concession et avec beaucoup de majuscules. Encore une fois, heureusement qu'on ne s'y attarde pas trop longuement, parce que je n'aurais pas supporté longtemps l'élitisme arrogant de la conception de la culture présentée ici - eh oui, ça va beaucoup étonner les amateurs de Pennac, mais je ne vois pas trop comment interpréter cette histoire de cinéphiles intègres, les seuls à même de réellement apprécier le cinéma, qui rejettent avec le plus grand mépris celui qui s'est irrémédiablement compromis en faisant des films "grand public"... Et ce fameux film unique qui ne doit être vu qu'une seule fois et uniquement par cette  poignée de "vrais" cinéphiles triés sur le volet... Mais bien sûr. 

Heureusement donc, cette histoire de cinéma sert surtout de passerelle pour entrer dans les souvenirs de jeunesse de Julie. Je vous ai déjà écrit quelque part que Julie me paraissait le personnage le moins crédible de cette série ; eh bien, non seulement c'est une journaliste exagérément dévouée, tout terrain, capable d'écrire un article comparatif sur l'intensité de l'orgasme dans les différents peuples du monde et de s'auto-opérer d'une appendicite sur une petite barque en plein milieu d'une tempête ; non seulement elle est la fille d'un gouverneur de colonie qui a décolonisé tout en se droguant à l'opium et en combattant les roses trémières ; mais en plus de ça, il s'avère qu'elle avait aussi une famille adoptive (dont on n'a pas entendu parler jusque là) qui est bien entendu à la hauteur de son extravagance et de sa complexité. Bon. 

Tout ça se déroule en parallèle d'une enquête policière où la nonne Gervaise, fille adoptive de Van Thian, essaie de piéger le tueur en série qui assassine les prostituées qu'elle essaie de réorienter. Et comme si ça ne suffisait pas, on a aussi deux petites histoires parallèles autour de Cissou-La-Neige et du jeune Clément, et un poil de mystère du côté de l'hôpital aussi.  

C'est là, au coeur de cette série d'intrigues-gigognes, que les ennuis commencent (enfin) pour Malaussène. Comme d'habitude, il n'a rien à voir avec rien, et pourtant tout finit par lui retomber dessus. Mais pour cette fois, il faut bien avouer que malgré sa place centrale en tant que narrateur, il reste presque à la périphérie de l'aventure. Il y a tellement de personnages et tellement d'intrigues séparées qu'on le perdrait presque de vue. 

Bref, d'habitude j'apprécie la complexité des romans de Pennac, où plusieurs mystères apparemment sans liens se retrouvent finalement au coeur d'une même intrigue qui se dénoue comme par miracle ; mais là, il y a trop. Trop d'intrigues différentes, trop de personnages, trop de monologues de Benjamin, et au total, trop de pages dans ce roman. Pas beaucoup de trop, pas au point que ça devienne pénible à lire, et puis le style de Pennac pourrait rendre la Bible passionnante ; mais je n'étais pas, comme dans les précédents volumes, impatiente de tourner les pages. C'est le volume que j'ai le moins aimé jusqu'à présent, mais ça reste du Pennac, ça reste du Malaussène, et par conséquent, c'est toujours "de la bonne" ; mon enthousiasme pour cette série reste inchangé !


*WTF = What The Fuck, le "mais qu'est-ce que c'est que ce bazarre déjanté ?" des gens qui font semblant d'être cools.

Pour en savoir plus :
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2 commentaires:

  1. "Monsieur Malaussène" m'a autant enchantée que les précédents. J'ai un peu moins aimé "Les Fruits de la Passion", mais je crois que c'est en bonne partie dû à mon idée première sur le personnage avec lequel Thérèse pourrait bien aller (idée qui ne se réalise pas, donc).

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  2. Bonjour Nathalie,
    j'espère que tu ne m'en voudras pas, mais je n'ai pas pu résister à l'envie de citer ton commentaire de livraddict sur Pourquoi les gentils ne se feront plus avoir de J. Heska dans mon article sur ce livre. Bien sur, si tu n'es pas d'accord tu me préviens et je le retire tout de suite !
    (l'article en question est ici : http://lunazione.over-blog.com/article-pourquoi-les-gentils-ne-se-feront-plus-avoir-j-heska-119864054.html)

    J'aime beaucoup l'écriture de Pennac ;)

    A bientôt !

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