06 septembre 2015

La pierre de lune, de Wilkie Collins


Me revoilà, moi et mes chroniques ! J'ai un peu de mal à reprendre mes habitudes bloguesques après une longue pause due aux vacances ; je me retrouve à devoir chroniquer des bouquins que j'ai lus il y a deux mois, ça commence à faire long (et la pile est haute, aussi). Pour m'échauffer, je vais donc commencer par le haut de la pile, un des romans que j'ai terminé récemment.


Résumé :

La pierre de lune est un diamant unique, un joyaux indien révéré comme un dieu et protégé par trois Brahmins. Jusqu'au jour où un militaire anglais le vole et l'emporte dans son pays. La légende noire de ce joyau le poursuit jusqu'en Europe, tout comme ses trois gardiens, bien décidés à le récupérer. Est-ce si étonnant qu'il soit ensuite à l'origine du vol le plus incompréhensible qui soit ?


Mon avis :

Après avoir lu et avoir été très agréablement surprise par "La femme en blanc" du même auteur, je m'étais promis de découvrir une autre de ses oeuvres célèbres, "La pierre de lune".  Il paraît d'ailleurs que ce serait le premier roman policier, bien qu'il ait été publié plus de 25 ans après la première nouvelle du genre (Assassinat dans la rue Morgue, d'Edgar Allan Poe).  J'y ai donc plongé avec de grands espoirs, et du coup un plus grand risque de déception que lorsque j'avais entamé "La femme en blanc".

Résultat ? D'abord, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer de grandes similitudes entre les deux.  On y retrouve bien entendu la société victorienne, avec sous-jacent un commentaire social relativement subtil et très réussi. Dans "La femme en blanc", l'auteur dénonçait notamment la position de la femme légalement dépendante de l'homme ; cette fois-ci, il s'attarde sur les problèmes de classes sociales (le détective principal très talentueux n'a pas la possibilité de résoudre l'affaire jusqu'au bout parce qu'il n'est pas suffisamment respecté du fait de son statut social inférieur), sur la xénophobie de la société anglaise, et, moins directement, sur l'occupation anglaise de l'Inde. Un autre sujet inattendu qui a apparemment fait couler beaucoup d'encre à l'époque, c'est la description précise des effets de l'opium. Ils m'ont paru si surprenants que j'hésitais à y croire, mais apparemment Wilkie Collins savait ce dont il parlait, car il en était lui-même dépendant.

Un autre aspect identique à "La femme en blanc", c'est la narration alternée entre différents personnages. Même si c'est moins surprenant que la première fois, ça marche à nouveau : chacun des points de vue permet un ton différent qui varie la narration, la présentation du roman sous forme d'une collection de documents lui donne un certain réalisme en engageant le lecteur d'une façon différente, et surtout, plusieurs des narrateurs apportent un aspect comique qui allège un peu cette histoire assez sombre. En particulier, Gabriel Betteredge, le servant fidèle, est touchant et en même temps amusant par sa faculté d'auto-dérision ; tandis que Drusilla Clack est la caricature de la vieille emmerdeuse qui ne cesse de trouver des justifications ridicules à ses très très gros défauts. Il a beau exagérer un peu parfois, l'auteur a un véritable talent pour se mettre dans la peau de ses différents narrateurs.

Mais cessons de tourner autour du pot : est-ce que ce premier roman policier m'a apporté le même plaisir de lecture que certains de ses successeurs ? Eh bien je dois dire que j'ai préféré "la femme en blanc" pour certains aspects, principalement pour le personnage du Conte Fosco et le huis-clos époustouflant à Blackwater. Mais ce roman est un vrai polar, un peu lent, plutôt long, mais très réussi. Impossible (en tous cas pour moi) de deviner le meurtrier. L'auteur utilise toute une série de procédés littéraires qui définiront le genre et qui sont assez familier au lecteur actuel, mais il les maîtrise parfaitement. Vers le milieu du livre, j'en suis venue à me demander si le mystère serait jamais résolu, tant l'enquête semble s'enliser même pour le détective qui semblait le plus capable de la résoudre. Mais l'intrigue continue, portée notamment par un petit triangle amoureux, et lorsque les indices commencent à arriver, ils portent le lecteur de surprise en surprise. Il y a aussi quelques moments où le maintien du suspense semble un peu forcé (pourquoi personne n'est-il capable d'expliquer les choses directement quand on leur pose une question ?), mais ça fait partie du jeu.

Bref, je n'ai pas vu les pages passer. Les différents narrateurs, les multiples ramifications de l'intrigue, le commentaire social sous-jacent, l'humour et le style classique qui contraste avec la modernité du sujet en font un roman remarquable. Autant les amateurs de polars que de romans classiques ou de pur divertissement apprécieront. 


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3 commentaires:

  1. Non, non, ce n'est pas le premier roman policier. Peut-être en anglais. Le premier, ou en tout cas un des plus connus qui le précède, est L'Affaire Lerouge du français Emile Gaboriau en 1863/1866. Je l'ai lu il y a plusieurs années mais je m'en souviens mal, il ne m'avait pas fait une forte impression. The Moonstone est sans doute meilleur.

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  2. Un triangle amoureux? Tu viens de donner un élément qui ne me fera pas aller vers ce titre.
    Mais je dois admettre que j'aimerais le découvrir un jour. J'essayerais de me souvenir à ce moment-là de privilégier La femme en blanc alors. :)

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  3. Ce n'est pas une romance, tu me connais, je n'aurais pas aimé... Mais l'une des héroïnes est une jeune femme en âge d'être mariée donc il y a des questions liées à ça, sans que ça soit très romantique. "La femme en blanc" l'est bien plus, avec une véritable histoire d'amour là, mais très supportable, même pour moi :)

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