02 juillet 2010

Barthélémy, de Gilles Toulet

Voici un petit livre reçu en partenariat, grâce à Livraddict, des éditions Abel Bécanes. Un de précédent envoi de leur part, "Tête de Piaf" (de Philippe Crognier), avait été une découverte originale et un véritable coup de coeur. J'avais hâte de trouver, sous leurs couvertures vertes caractéristiques, une autre de ces agréables surprises...


Résumé :

Barthélémy est artisan menuisier. Il faudrait plutôt dire : artiste menuisier. Car Barthélémy maîtrise son art comme personne et a de l'or dans les doigts. Son métier est aussi sa passion : il tombe amoureux d'un chêne sur pied et met toute son âme dans les bijoux mobiliers qu'il crée. C'est la seule chose qui lui reste, d'ailleurs, depuis que sa fille a grandi, que sa femme l'a quitté et que ses poumons s'envolent dans la fumée des cigarettes. Pendant quatre saisons, la vie de Barthélémy et celle de son village nous sont contées. Quatre saisons d'une existence qui perd peu à peu l'équilibre, quatre saisons tendues vers un aboutissement - le meilleur ou le pire.


Mon avis :

S'il y a un style qu'on qualifie de "romans du terroir", l'oeuvre de Gilles Toulet doit en être le plus digne représentant. Celui-ci nous plonge littéralement dans la vie des ouvriers villageois, ceux qui créent de leurs mains et qui jonglent avec les commandes. Il y a Barthélémy, bien sûr, un modèle dans son genre, mais aussi Benoît le peintre qui se tue au travail pour on ne sait trop quelle ambition, et Germain, le chauffagiste qui s'est tiré de justesse des affres de la faillite. Si Barthélémy reste le coeur de l'histoire, c'est au final le fonctionnement d'un village à l'ancienne que l'auteur recrée autour de lui.

Il nous plonge d'ailleurs dans l'atmosphère campagnarde en commençant par le vocabulaire : des régionalismes, des tournures de phrases un peu étranges qui déroutent au début mais auxquelles on s'habitue vite. D'autant plus que le style est une des composantes les plus remarquables de ce roman. Les descriptions sont délicieuses, les introspections des personnages dessinées avec une plume de caractère. Un petit passage pour vous mettre l'eau à la bouche :

Si le mois de mai ne regarde jamais à la dépense, celui-là se montrait prodigue. Il houspillait le soleil, le poussant à cogner sec et chaud. Il égrenait le muguet dans les sous-bois, festonnait les haies de douces fleurettes blanches dont le parfum émouvait le coeur des adolescents. Sous son pinceau, les arbres des vergers se fardaient de délicats pastels. Quand le soleil brunissait, furieux, accablé de chaleur, les vieux poiriers se dressaient, lui faisant face dans leur redingote de pétales blancs. Le mois de mai remplissait au mieux son ouvrage de précurseur de l'été, jetant ses dernières touches il ourlait les boqueteaux de merisiers du voile des jeunes mariées. Robes immaculées qui entraînaient en farandoles leurs demoiselles d'honneur, cortèges de soieries, de taffetas, d'organdi. Ce mois de mai en faisait trop. Il faisait monter trop de sève. Il faisait bouillonner trop de sang.

Et le reste est à l'avenant, un style qui utilise le vocabulaire régional et campagnard, qui plonge dans les termes techniques précis des artisans, pour les incruster dans une dentelle de texte qui vaut son pesant d'or.

L'autre grande qualité de ce livre ce sont les personnages qu'il décrit. Ils sont peu nombreux, au final, et seulement d'eux d'entre eux peut-être (Barthélémy et Germain) sont révélés en profondeur. Mais la magie vient du fait que l'auteur nous les découvre petit à petit. D'un passage à l'autre, on a pitié de Barthélémy, on s'en fait une idée de rustre, puis on découvre son talent, puis on est touché par sa sensibilité, puis on s'interroge sur ses motivations. Au final c'est un diamant dont on découvre une à une toutes les facettes mais qui, malgré tout, nous surprend jusqu'à la toute dernière page - surtout à la toute dernière page, d'ailleurs.

Au total, voici encore une oeuvre qui vaut la peine d'être découverte. Elle fera probablement moins l'unanimité que "Tête de piaf", mais elle a aussi plus de caractère. Les pages comme les saisons qui divisent la narration coulent petit à petit, sans se presser, mais c'est comme découvrir une fresque humaine qui se crée au fur et à mesure. Et la fresque est terriblement réussie, on plonge des deux yeux dans un monde qui devient vite familier.

Une oeuvre que je recommande, donc, et je compte bien continuer à explorer le catalogue des éditions Abel Becanès qui semblent renfermer quelques jolis trésors.


Pour en savoir plus :
- la page bibliomania du livre
- le site des éditions Abel Bécanes

2 commentaires:

  1. Bonjour Nathalie et merci pour ton avis très argumenté et très agréable à lire. C'est moi qui est géré ce partenariat avec Livraddict (une partie du stock des éditions Abel Bécanes se trouve chez moi !). Pour te remercier de soutenir notre micro structure éditoriale, je vais de te faire parvenir 3 titres de notre collection. Peux-tu me dire 1) si cela t'intéresse 2) si tu pars en vacances très bientôt (dans le cas contraire je devrais pouvoir faire partir l'enveloppe dans le courant de la semaine prochaine). Merci encore et à très bientôt j'espère. Jérôme.

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  2. Bonjour Jérôme, et merci pour votre commentaire !

    Oui ça m'intéresse, ça fait deux fois que je suis très agréablement surprise par les livres que vous proposez et je serais heureuse que ce ne soit pas la dernière ! Par contre en ce qui concerne les vacances, le moins qu'on puisse dire c'est que je pars très bientôt : dans cinq heures exactement ! Mais je serai de retour le 18 juillet et comme le facteur livre directement dans l'appartement, vous pouvez également les envoyer plus tôt, je les aurai à mon retour. Comme vous souhaitez, et un énorme merci d'avance !

    Pour la suite, ce sera plus facile si vous me contactez sur mon adresse e-mail : nath.page.a.page@gmail.com

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