31 juillet 2011

Escroc City, de Cyrus Moore

Depuis plusieurs mois, je ne prends pas beaucoup de partenariats, je me limite à demander ceux qui m'intéressent vraiment.  Ce livre a été proposé sur Livraddict peu de temps après que j'aie lu la première partie de "L'homme qui rêvait" de John Marcus et m'en semblait un complément tout désigné.  Et en effet, vous allez le voir !


Résumé :

Niccolo Lamparelli, engagé par une grande banque d'affaire américaine à Londres, exerce le métier d'analyste : il analyses certaines entreprises actives dans les nouvelles technologies et fournit des conseils à ses clients concernant leur titre : vendre, garder ou acheter. Dans une entreprise très compétitive, où les coups bas sont légion, Niccolo tire son épingle du jeu et parvient à se faire à nom sans compromettre ses principes moraux. Mais dans l'ombre, une grande fraude s'organise dont il sera le maillon central sans en avoir conscience...


Mon avis :

Voici un livre qui n'est pas parfait mais qui m'a fait passer un bon moment et, surtout, qui m'a beaucoup appris sur un monde dont je ne fais pas partie.  Un monde de requins en costumes trois pièces qui se construisent des fortunes indécentes au prix d'un stress terrifiant et de choix difficiles...

L'auteur doit savoir ce qu'il raconte quand il parle de ce monde-là puisqu'il est lui-même analyste à la City. Il se construit donc un héros qui fait le même boulot, avec quelques aspects un peu plus romanesques, une jeunesse qu'on découvre peu à peu et un ami à toute épreuve.  Il nous présente son arrivée dans la banque d'affaires par excellence : un étage pour les traders qui font couler les millions entre leurs doigts devant des murs d'écrans de cotations, un étage pour les analystes qui font et défont les réputations des titres, un étage pour les gros pontes intouchables... Un monde de mâles pleins de testostérone dépensée dans le luxe et les voitures hors de prix, avec quelques femmes pour faire tache, classées en mal baisées ou jolies tombeuses.  On n'a pas beaucoup de mal à croire en ce monde pourtant caricatural mais dépeint avec talent, précision et justesse, ni en noir, ni en blanc.

L'intrigue sert visiblement de prétexte pour "Une critique choc de la cupidité sans limite de la City", comme indique pompeusement la quatrième de couverture, mais il ne faut pas se méprendre sur le sens de cette critique.  Pour les besoins du roman, il est articulé autour d'une fraude magistrale et de vilains pas beaux malfaisants qui font fi des règles de déontologie les plus élémentaires.  Mais comme partout, il y a des escrocs et des criminels, ils ne représentent pas la règle générale et ce n'est visiblement pas eux que l'auteur dénonce.  C'est plutôt un système qui, au mieux de sa forme, récompense l'argent pour lui-même, encourage l'individualisme, normalise des profits indécents et ferme les yeux sur les conflits d'intérêts.
Dans le très intéressant roman de John Marcus "L'homme qui rêvait", la victime dénonce avec force le système capitaliste actuel et, entre autres, la loi des marchés financiers, une économie qui ne crée rien d'autre que du profit artificiel.  Ici, on est en plein dedans et c'est ça qui est choquant.  Les analystes sont considérés comme des diseurs de bonne aventure qui peuvent, d'un mauvais pronostic, mettre une entreprise sur les genoux ; les traders vendent et achètent, font de l'argent à partir des fluctuations du marché, c'est à dire à partir de rien. Pas un seul d'entre eux a l'air de se rendre compte que les titres qu'ils manipulent avec autant de désinvolture représentent des sociétés dont dépendent des milliers de travailleurs. Dans leur petite bulle de stress (car leur vie n'est pas facile non plus, ils sont aussi proches de l'enfer que du paradis), ils sont totalement déconnectés de la réalité autre que celle des chiffres.

A deux bureaux de là se trouvent les équipes chargées des conseils aux dites entreprises.  Et ça ne dérange personne, visiblement, que cohabitent à la fois ceux qui gagnent leur vie à défendre des sociétés et ceux qui doivent évaluer leur valeur de façon soi-disant impartiale. Comment rester objectif dans ces conditions ?  Et comment douter qu'au-dessus de leurs têtes, les grands patrons n'aient à faire des choix qui sont toujours mauvais ?

J'ai beaucoup apprécié de découvrir tout ce petit monde et je recommande chaudement la visite.  Si quelques personnages sont trop prévisibles voir caricaturaux, d'autres sont présentés avec finesse et humour.  L'intrigue a la très grande qualité de nous surprendre sans cesse : pas de schéma hollywoodien "début prometteur - emmerdes - vengeance du héros - fin heureuse" mais un petit peu de tout ça sans cesse mélangé et la plupart du temps imprévisible.  La fin est un peu brutale cependant, et il s'agit aussi d'un roman à lire sans trop traîner sous peine de se perdre dans les personnages et les développements.  Mais ça en vaut la peine, car autour d'une histoire bien ficelée pour nous tenir en haleine se dessine le portrait de la City, Escroc City, dans ses moindres détails.  A ne pas manquer si le sujet vous intéresse un tant soit peu.





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