11 septembre 2011

La Tête contre les murs, d'Hervé Bazin

D'Hervé Bazin, le grand public connaît surtout un roman, le duel familial de "Brasse-Bouillon" contre sa mère "Folcoche" dans Vipère au poing (1948). Classique semi-autobiographique qui forme une trilogie méconnue avec La Mort du petit cheval (1950) et Cri de la chouette (1972). En 1948, juste après avoir achevé Vipère au poing, Bazin enchaîna avec un roman d'un genre peut-être pas si éloigné.


Résumé :

Arthur Gérane est un jeune homme désoeuvré, fainéant, petit malfrat en devenir qui s'entend bien avec sa soeur mais mal avec son père, juge d'instruction. Le jour où il revient à la maison familiale, c'est au milieu de la nuit, pour le voler. Impliqué dans un accident avec la voiture paternelle qu'il vient de dérober, il se retrouve, sur les conseils d'un ami de son père, interné dans un asile psychiatrique. C'est le début d'une longue itinérance dans les services de santé mentale du pays.


L'avis de Sanjuro :

De nouveau, une famille dysfonctionnelle est au centre du récit, mais le sort que Bazin réserve à celle-ci est, chose inimaginable, pire que celle de Vipère au poing. Ce qui est déroutant dans La Tête contre les murs, c'est que pour un livre censé traité de la folie, on a affaire à des individus où les têtes sont plus souvent bien ancrées sur les épaules qu'à se cogner contre les murs. On cherche autant les vrais fous que Gérane, en nouveau venu curieux, le fait lui-même. Ce n'est certes pas le Vol au-dessus d'un nid de coucou français qu'on aurait pu espérer.

Peu d'hystériques, pas de traitements de choc, le milieu est étudié sans recherche du côté sordide et brutal. C'est peut-être mieux ainsi, mais il faut alors se contenter du personnage de Gérane, petite vermine d'anti-héros, impossible à aimer, ni même à haïr, que l'on méprise simplement comme le méritent ses actions toutes lâches et égoïstes. Le rôle de la soeur et d'autres personnages féminins étant superficiel, il n'y a personne à qui s'attacher, et on suit les périples d'Arthur sans vraiment d'implication ni d'émotions autre que ce mépris dominateur.

Il y a ici encore quelque chose de commun aux romans de Bazin, un environnement relativement déplaisant, moralement décrépit, dans lequel les personnages subissent une lente et sinistre décomposition. On a hâte d'en sortir en vérité, on étouffe un peu dans son monde triste. Dans Vipère au poing, il y avait la résistance et la jeunesse de Brasse-Bouillon pour nous tenir alerte. Dans ce roman-ci, il n'y a rien, et on se laisse sombrer avec son personnage insalubre comme à la fatalité.

Le style de l'auteur impose le respect cependant. Il parvient à faire cohabiter argot et littérature avec un naturel désarmant, ses métaphores sont toujours très imaginatives et son niveau d'instruction transpire dans le choix de ses mots; comme Colette, Bazin était membre de l'Académie Goncourt. Le roman a aussi cette particularité qu'il est difficile à situer temporellement, on songe aux années 60 ou 70 alors qu'il s'agit en fait des années 30 ! Le début de l'Occupation y est rapportée vers la fin.

La Tête contre les murs ne fait pas dans les électrochocs et la lobotomie mais sa progression morne n'est pas un meilleur compromis. A noter que le livre est co-dédié à l'écrivain Antonin Artaud, qui, en cette année 1948, venait de mourir interné à Villejuif.

2 commentaires:

  1. Yik. J'ai adoré Vipère au poing, mais en y réfléchissant, ce qui m'y attache c'est avant tout la personnalité de Brasse-Bouillon et sa façon de résister, ce combat entre la mère et le fils. Sans ça, s'il ne reste que le sordide, ça doit faire mal par où ça passe. Mais Bazin, quand même... Est-ce à tenter, ou la garantie de n'en garder qu'un goût de bile en bouche ?

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  2. Moi aussi j'avais adoré Vipère au poing, mais tous les autres livres de Bazin que j'ai lus, c'est-à-dire La Mort du petit cheval, Cri de la chouette et celui-là, m'ont déçu. Pas au niveau du style évidemment, mais de l'histoire, jamais vraiment prenante.

    Je ne dirais pas qu'il est garanti de te décevoir, on ne peut jamais être sûr des goûts d'autrui, mais ce n'est pas un livre que je recommanderais.

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