23 août 2014

La stratégie Ender, d'Orson Scott Card


Trois jours au lit, malade, ça veut dire beaucoup de temps pour lire entre les draps... Et ce livre dévoré en une journée ! 


Résumé :

Quatre-vingt ans auparavant, la Terre a failli être détruite par des extra-terrestres ; l'Humanité ne doit son salut qu'à l'intervention d'un tacticien extraordinaire et beaucoup de chance. Mais l'ennemi a été repoussé, non pas détruit, et depuis lors tout est fait pour se préparer à son retour. Les armes sont prêtes, les soldats aussi, il ne manque qu'un commandant pour les diriger. Andrew "Ender" Wiggins a été conçu et élevé dans ce but. A six ans seulement, ce petit génie représente le meilleur espoir de l'humanité pour des adultes prêtes à le manipuler et le faire souffrir pour en faire une machine à tuer.


Mon avis :

J'ai hésité avant de choisir ce roman. Ça faisait un certain temps que j'avais envie de le lire et il correspondait à deux challenges simultanés, mais j'ai aussi vu le film tiré de ce livre il y a seulement quelques mois et j'avais peur que le fait de connaître l'intrigue à l'avance ne me gâche le plaisir de la lecture. Alors j'ai fait appel à mes contacts sur la page Facebook de ce blog qui m'ont confirmé que le roman apportait quelque chose de plus que le film. Et ils avaient raison.

Je ne vais pas vous le cacher : j'ai adoré ce roman. Ce que j'aime dans la science-fiction c'est d'une part le dépaysement complet, et d'autre part la possibilité de créer des scénarios impossibles qui permettent d'explorer certains aspects de l'être humain. Dans ce roman-ci, la question qui se pose est : jusqu'où pourrions-nous aller pour nous protéger d'une menace extérieure ?

C'est assez classique que de réfléchir à notre capacité à abandonner notre liberté pour gagner en sécurité. Mais dans ce roman-ci, c'est quelque chose d'autre de sacré qui est en jeu : l'enfance. Les enfants qui sont au coeur de l'histoire sont considérés comme des outils, ou plus précisément des armes : leur capacité à apprendre très vite, à s'adapter à de nouvelles situations, à s’immerger dans leurs jeux est un atout pour la race humaine qui fait face à une menace très grave. Mais est-ce que ça justifie la torture mentale qui est infligée à Ender et ses semblables ? Cet enfant (qui est beaucoup plus jeune que dans le film : six ans seulement !) n'a en réalité pas d'enfance : il sait très bien qu'il ne peut faire confiance à personne, que ses parents ne veulent pas vraiment de lui, il vit avec un psychopathe (son frère), se doit d'être toujours sur la défensive sous peine de risquer sa vie, et il a en plus l'incroyable pression de devoir apprendre son boulot de "sauveur du monde". En gros, il a une vie qui mènerait la plupart des adultes à la dépression ou au burn-out. Et on ne cesse de lui imposer de nouvelles épreuves pour encore l'endurcir mentalement... Cette cruauté est tellement inimaginable qu'elle hante même les adultes qui l'exercent, comme on le voit dans les courts textes précédant chaque chapitre.

Par ailleurs, une des spécificités de ce roman c'est qu'il raconte l'histoire d'un enfant qui en est le narrateur principal, mais ce n'est pas un roman pour enfants. Ender est un surdoué qui a bien entendu une intelligence bien supérieure à son âge, mais sa façon de voir les choses est souvent dérangeante de maturité - jusqu'à ce qu'on retrouve de temps en temps les réflexes de l'enfant qui a envie de pleurer. Dans l'introduction qui accompagnait mon livre, l'auteur explique qu'il a reçu des lettres de lecteurs se plaignant qu'un enfant de six ans, même surdoué, ne pense et ne s'exprime pas comme ça. Il répond que les enfants sont beaucoup trop sous-estimés par les adultes, qu'un enfant pense et raisonne plus clairement qu'il ne s'exprime (même s'il l'oublie en devenant adulte), et qu'il voulait justement prendre le contre-pied des romans qui prennent les enfants pour des simplets. Je ne suis pas entièrement certaine d'accepter cette explication, mais je me suis très vite habituée à ce personnage étrange, cet enfant qui pense comme un adulte mais garde une certaine dose de sensibilité touchante.

Pour une fois, il m'a semblé que le film et le livre se complétaient parfaitement : le film m'a permis de bien visualiser la "battle room" dans tout son aspect grandiose et de comprendre les règles du jeu, tandis que le livre prolonge le plaisir en multipliant les batailles où Ender fait preuve de son génie technique de mille et une façons (certains ont trouvé ces passages trop longs, moi je les ai adorés). Le film explique très tôt et très clairement les prémices de l'histoire, la guerre contre les extra-terrestres et le but de la sélection des enfants, ce qui arrive relativement tard dans le livre ; mais le livre détaille plus longuement la façon dont Ender se débrouille pour vaincre les réticences des autres enfants et ses raisonnements politiques extrêmement intelligents. Le livre apporte aussi beaucoup plus d'information concernant le frère et la soeur d'Ender, même si cette partie complémentaire ne m'a pas paru vraiment nécessaire. Globalement, le livre est prenant d'un bout à l'autre, et si la surprise finale n'a pas pu être renouvelée puisque je la connaissais déjà grâce au film, j'ai trouvé vraiment intéressant de cumuler les deux supports. 

Une dernière remarque concernant ce roman : il a été publié en 1986 mais l'auteur a parfaitement anticipé certains aspects technologiques qui deviendront importants par la suite, comme l'utilisation des jeux vidéos comme outils d'apprentissage, les tablettes tactiles et l'Internet (qu'il appelle "les nets"). L'Internet en particulier est un outil crucial dans l'exercice de la démocratie ; les citoyens du monde entier y discutent, des comités s'y réunissent, les journaux n'existent plus qu'en ligne, et le frère et la soeur d'Ender parviennent à manipuler l'opinion en se cachant derrière des pseudonymes. Tout ceci est terriblement moderne, pas vrai ?

Voilà, je vais m'arrêter là pour ne pas que cette chronique soit vraiment trop longue, mais vous le savez : quand j'ai beaucoup à dire sur un roman, c'est qu'il m'a profondément marquée et que je le trouve particulièrement intéressant. En plus de ça, ce roman-ci était facile à lire, très prenant, il m'a procuré un véritable moment d'évasion. J'ai entendu dire que les tomes suivants sont moins bons mais je ne pourrai pas m'empêcher de les découvrir, c'est certain. Et je vous recommande "La stratégie Ender" très, très chaudement !


Pour en savoir plus :
- l'avis d'Helran, qui a dévoré ce roman à partir du tiers (comme je le craignais, le début est un peu "rude" quand on n'a pas vu le film) ; celui de Nelf, pour qui c'est une oeuvre "forte, dure mais accessible" (entièrement d'accord) ; et pour contraster, l'avis de Iani, qui a abandonné par excès de batailles en apesanteur.



10 commentaires:

  1. "L'auteur a parfaitement anticipé certains aspects technologiques qui deviendront importants par la suite, comme l'utilisation des jeux vidéos comme outils d'apprentissage, les tablettes tactiles et l'Internet (qu'il appelle "les nets")"

    Mais c'est parce que les jeux vidéo servaient déjà à l'éducation dans les années 80. Ils sont apparus en même temps que les ordinateurs grand public pour ainsi dire. Donkey Kong Jr Math par exemple en 1983 sur Famicom/NES, parmi les exemples qui me tiennent à coeur. Les tablettes tactiles, pareil. Ca ne date pas d'hier. Il ne faut pas croire, mais un grand nombre d'inventions électroniques ont fait leurs premiers pas dans les années 70, 80.

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  2. Tu m'as donné envie, et en plus je n'ai pas vu le film, donc je vais me mettre en quête du bouquin!

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  3. A chaque fois que je vais en librairie, je le prends et le repose ! Tout le monde me le conseille. Il va falloir que je cède !
    J'aime la SF pour les mêmes raisons que toi, on se divertit tout en réfléchissant et c'est tellement agréable !
    J'espère que tu te sens mieux sinon je te souhaite un bon rétablissement !

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  4. Tu donnes très envie de le lire. J'avais trouvé le film sympa mais pas assez développé, ça peut être une bonne occasion de rattraper ça. :)

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  5. Je l'ai lu il y a très très longtemps, à l'époque où c'était une trilogie (j'avais lu les 3) et j'avais beaucoup aimé.

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  6. @Sanjuro : Les jeux vidéos servaient déjà à l'éducation dans les années 80 ? J'y étais (quoi que mon éducation a commencé seulement après la publication du roman), et je ne me souviens pas d'avoir eu, vu ou entendu parler de jeux vidéos sur tablettes tactiles comme support principal à l'école. Les Etats-Unis auraient-ils été tellement en avance sur nous sans que j'en sache rien ? ;)

    Pour tous les autres, je suis contente de vous avoir donné envie, c'est un roman qui en vaut la peine et qui est facile à lire !

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  7. C'est vrai que l'aspect anticipation est impressionnant, et en même temps très rigolo vu que le vocabulaire est décalé (dans mon exemplaire on parle de "bureau" pour l'espère d'ordinateur/tablette"). Un sacré classique de la SF en tout cas.

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  8. La suite m'a bien plu aussi mais elle est très différente : là où "la stratégie Ender" est un roman de SF pure et dure, la suite est aussi dans le futur (forcément) mais traite de politique, de religion, de la manière dont on peut traiter des espèces extraterrestres... C'est très riche aussi, mais très différent.
    Dans le même univers, mais plus dans la veine de "La stratégie Ender", tu peux essayer la série de "l'ombre", qui part du point de vue de Bean.

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  9. Oh superbe, merci pour ces renseignements ! J'ai trouvé que Bean était un personnage qui n'est pas assez développé, on sent juste que l'auteur a voulu lui donner un caractère exceptionnel mais même Ender ne le comprend pas tout à fait. Voir les choses de son point de vue peut être vraiment intéressant.

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  10. j'ai beaucoup aimé cette lecture! j'ai trouvé l'intrigue très fine!

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