15 septembre 2020

Calculating god, de Robert J. Sawyer


Pour une fois, j'ai le plaisir de vous parler d'un livre qui, comme son titre ne l'indique pas, a été traduit en français !


Résumé :

Lorsqu'une espèce extraterrestre débarque sur Terre, personne n'aurait imaginé que la créature à six jambes et deux bras se dirigerait vers le Musée royal de l'Ontario au Canada et demanderait à voir un paléontologue. C'est donc Thomas Jericho, spécialiste des fossiles d'invertébrés, qui a l'honneur d'accueillir cet être venu consulter la collection de fossiles du musée et poser des questions sur l'évolution de la Terre. Il apporte aussi des informations qui vont bouleverser l'humanité : les découvertes scientifiques faites sur sa planète indiquent clairement que l'univers a été créé par une intelligence supérieure...


Mon avis :

Je ne sais absolument pas comment je suis tombée sur ce livre en format audio. Comme d'habitude, j'ai dû l'acheter à l'occasion d'une promotion Audible et puis l'oublier au fond de ma bibliothèque virtuelle qui compte déjà 159 titres (je me fais un peu peur…). Je suis retombée dessus récemment et j'ai été attirée par ce résumé alléchant, basé sur le postulat original qu'une espèce extraterrestre nous contacterait pour nous prouver scientifiquement l'existence d'un dieu. Voilà un scénario qui a du potentiel pour amener des réflexions intéressantes ! Maintenant que j'ai terminé la lecture, je me rends compte que ce roman m'a finalement inspiré des sentiments très contradictoires, et j'avais hâte de vous en parler.

D'un côté, non seulement le sujet est intéressant, mais la façon dont il est traité est assez réussie. L'essentiel de l'intrigue porte sur les discussions scientifiques et philosophiques entre le héros et l'extraterrestre, ce qui fait qu'il y a peu d'action, mais ces discussions sont menées de telle façon qu'on ne s'ennuie pas. Les révélations de l'extraterrestre s'échelonnent pour laisser pas mal de suspense et sont entrecoupées par des explications scientifiques remarquablement claires et bien menées. En fait il m'a fallu un certain temps pour me rendre compte que j'apprenais beaucoup de choses au cours de ce roman, tant c'est amené en douceur. Le style est agréable et l'auteur nous offre quelques scènes tristes très réussies.

D'un autre côté, comment expliquer les multiples frustrations que j'ai subies, jusqu'à ce que ça me mette presque en colère ? Ce roman explore en détails les différences entre la science et la religion à partir d'une hypothèse qui est parfaite pour les opposer, ce qui est une excellente idée… mais le fait d'une telle façon qu'il m'a semblé complètement à côté de la plaque à plusieurs moments cruciaux.

La partie la plus marquante (attention léger spoiler dans ce paragraphe et le suivant), c'est la réaction de Thomas Jericho quand l'extraterrestre lui apporte des preuves convaincantes de l'existence d'un dieu. Déjà, dans leur conversation, la définition de "dieu" n'est jamais évoquée ; quand Hollus, l'extraterrestre, parle d'un dieu qui aurait créé l'univers et gèrerait son évolution de loin, Thomas extrapole directement en imaginant qu'Hollus évoque un dieu qui serait bon, qui s'intéresserait à chaque humain, et qui impliquerait une vie après la mort - et ça c'est une toute autre affaire. L'autre concept essentiel dans la discussion, la science, n'est pas non plus défini : quand Thomas explique qu'il est un scientifique, il en parle comme s'il s'agissait d'une religion dont il a choisi de suivre les dogmes, au lieu d'une méthode qui permette d'explorer la réalité sans a-prioris. Le résultat c'est que la conversation entre eux, à priori basée sur la prémisse que l'approche scientifique permet d'atteindre une vérité objective, donne au final l'impression que la science est une religion encore plus dogmatique que la religion elle-même. Quand Hollus apporte des éléments concrets et nouveaux qui démontrent clairement qu'une entité intelligente a dû intervenir dans la création de l'univers, un vrai scientifique aurait dit "ok, on a de nouvelles informations, il va falloir réviser nos hypothèses, c'est comme ça que la science fonctionne". Au lieu de ça Thomas se cabre et explique qu'il est incapable de "croire" en dieu alors qu'il a passé sa vie à défendre les fait scientifiques. Ca n'a aucun sens ; si l'existence d'un dieu est prouvée par les faits, il ne s'agit plus de croire, la foi n'a plus rien à faire là-dedans, et les atermoiements de Thomas (qui constituent une bonne partie de la trame de l'intrigue) n'ont pas lieu d'être.

A d'autres moments, un peu plus anecdotiques, certaines conversations entre Thomas et les extraterrestres qui abordent des sujets intéressants avec un point de vue novateur manquaient d'éléments tellement importants que toute l'argumentation s'effondrait. Un bon exemple est la discussion sur l'avortement. Thomas explique à Hollus que certains "religieux intégristes" condamnent l'avortement et Hollus ne comprend pas bien de quoi il s'agit, ce qui ouvre une conversation potentiellement intéressante sur les aspects moraux qui s'affrontent sur cette question. Sauf que pour le point de vue religieux, Thomas explique uniquement le refus de l'avortement en disant qu'il est le fait d'"intégristes prêts à tuer" pour défendre la vie, sans aborder les raisons morales pour lesquelles mettre fin à une grossesse pourrait être considéré comme un meurtre. Et quand il s'agit du point de vue pro-avortement, il explique qu'il existe des moyens de contraceptions sûrs et simples et donc que les grossesses non désirées sont le fruit d'imprudences des femmes, sans envisager le fait que les méthodes de contraception actuelles ne sont pas adaptées ni accessibles à tout le monde, certainement pas simples ni entièrement fiables, qu'il y a des tas d'autres raisons que l'imprudence pour une grossesse involontaire, et bien entendu sans jamais évoquer le rôle des hommes. Bref, quand l'auteur a l'occasion d'utiliser Hollus pour proposer un point de vue sans passion ni préjugés sur cette question, la discussion manque tellement d'éléments essentiels que la conclusion n'a aucune valeur.

Au final, j'ai apprécié la lecture de ce livre original et bien écrit et j'y ai pris plaisir jusqu'à la fin, mais en même temps j'ai eu régulièrement envie de secouer Thomas pour l'empêcher de dire des bêtises. Ses manquements en tant que représentant de la communauté scientifique sont tellement énormes qu'il en vient à discréditer son propre point de vue. Si c'est volontaire de la part de l'auteur, c'est une façon détournée de faire passer un message anti-scientifique qui est assez révoltante. Si c'est un accident, ça prouve que l'auteur n'a pas vraiment compris ce qu'est la science, ce qui est assez surprenant. Au final je ne sais pas trop que penser. Si quelqu'un d'autre a lu ce roman, je serais ravie d'échanger quelques idées dans les commentaires ci-dessous !

Pour en savoir plus :

2 commentaires:

  1. Haaa ce que tu en dis me fait penser à la réflexion que je m'étais faite sur Waldo de Heinlein ou finalement le message anti-scientifique m'avait vraiment donné envie de jeter les livre par la fenêtre.

    Du coup pas pour moi je pense.

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    1. Ah je ne connais pas Waldo, mais du coup pas pour moi non plus !

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